Lettre de Henri Desgrées du Loû à son fils Emmanuel - 14/07/1893 [correspondance]

Publié le par Henri Desgrées du Loû (1833-1921)

[publié le 06/11/2023]

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[transcription]

Vannes le 14 Juillet 1893.

Mon cher enfant, je ne suis pas peu satisfait non plus moi de la Conférence de Samedi. J'attendais ta lettre avec une vive impatience, elle en valait la peine et a comblé toutes mes espérances. Tu es bien dans la voie où Dieu t'appelle,. Tu atteindras dans cette voie le but qu'il t'a marqué; le plus ou moins de ce que le monde appelle réussite importe peu. Ce qui importe, c'est que tu fasses fructifier le talent qui t'a été confié. Je ne veux plus m'inquiéter de l’avenir; ce serait de l’ingratitude; Dieu ne te laissera pas manquer de pain; il suffit que tu continues comme tu as commencé, mêlant toujours la prière au travail, à l’effort. J'avais lu l'entrefilet de la Croix avant de recevoir ta lettre; Charles me l'avait envoyé et je lui en ai été reconnaissant, mais nous n'avons causé de rien; il s'irrite facilement et regrette ensuite les paroles qu'il lâche de trop. Du reste, j'ai pris pour règle de ne parler de la campagne que pour répondre à ceux qui m'en parlent les premiers, et je ne laisse pas ignorer dans ce cas que j’en suis très heureux et très fier, ce qui est très vrai. Tu trouveras ton genre en cherchant peu à peu; tu l'as peut-être trouvé et ce ton conversation est sans contredit le plus favorable, prêtant le plus à la variété, point important lorsqu'on parle longtemps et beaucoup moins fatigant pour l'orateur et l'auditoire. Ce ton n’exclut pas un langage plus relevé lorsque le sujet y prête et rend tout soulignement plus facile. En même temps que ta lettre j’en recevais une de ton oncle Auguste toujours avide de détails et qui en était resté à la note de la Croix. Je ne lui ai pas encore répondu, car j’étais pressé d’écrire à Xavier; le courrier du Tonkin partant hier, il n’y avait pas de temps à perdre. J’ai pu lui dire quelques mots ou plutôt quelques pages de la conférence et je n’ai eu garde de manquer ce charmant détail: Jeanne travaillant avec toi et pour toi. Oui, nous pouvons tous les deux remercier le Bon Dieu qui t’a fait un don pareil. Toute une vie de lutte pour l’Église ne sera pas trop pour témoigner ta reconnaissance. Ton oncle Auguste regrette toujours que les journaux ne reproduisent pas. Nous n'en sommes pas encore là; il faut prendre patience. Je n'ai pas besoin de te conseiller de garder ces conférences qui pourront te servir plus tard en te conservant le fruit du travail déjà fait. J'ai été bien content aussi des deux acquittements et de deux autres affaires de correctionnelle. Oui, je crois que l'eau viendra au moulin. Tu ne négliges évidemment pas ton droit, et quand viendront les affaires civiles, elle te trouveront bien armé pour la lutte. Je suis bien content de Dubois auquel je voudrais seulement un peu plus de courage. Le manque de courage est ce qu'on pardonne le moins et Jeanne et madame Dumont ont eu l'intelligence de la situation en tenant bon contre Dubois. L'événement l’a surabondamment prouvé. Marthe m'avait dit la prochaine arrivée des Guays à Brest. J'avais même compris qu'elles devaient se fixer près de leur frère. Je les plains de tout mon cœur. Je n'ai pas de bonne nouvelle à te donner de l'examen oral de Pierre. Il a séché en histoire et a eu 8 de maths. Il s'attend à être retoqué, ce qu’il saura lundi. J'aurais été grandement surpris que les choses se passassent autrement. Quant à Henri, il est mécontent lui aussi, j'espère néanmoins, parce que sur 4 questions il n'y en a qu'une de tout à fait mal et il y en a deux au moins de très bonnes. Nous serons cela dans huit jours. Je te recommande les feuilletons de Biré sur V. Hugo. Celui d'aujourd'hui m'a fait rire. Je veux parler de la chanson de la fin sur le mot de V. Hugo à ce pauvre quémandeur: nous montons tous notre Golgotha. Ce diable de Biré est étonnant sur la précision de ses informations. Je l'ai dit je crois que je lisais ses premiers volumes sur le grand poëte. Adieu pour aujourd'hui, mon cher enfant embrasse tendrement Jeanne pour moi plutôt deux fois qu'une. Elle m'avait dit ce que tu me répètes au sujet de madame Hamonno et c'est pour cela que j'ai tenu à la remercier dans ma dernière lettre. Un jour, les autres reviendront, car je commence à ??voir qu'avec [son hommage?] sur les deux étoiles Jeanne ne s’était pas trompée. Personne ne m’a rien dit de mon dernier envoi de 300 f. Tu l’as bien reçu? C’est dû mois de Juin, à la fin, le 27, je crois. Je t’embrasse.

Henry

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