Lettre de Henri Desgrées du Loû à sa bru Jeanne Hamonno - 01/02/1893 [correspondance]

Publié le par Henri Desgrées du Loû (1833-1921)

[publié le 10/04/2023]

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[transcription]

Vannes le 1er février 1893.

Ma pauvre enfant, je ne suis point gai et vous ne l’êtes pas vous non plus. J’ai reçu avant-hier la lettre de votre mère, et j’aurais voulu y répondre de suite: impossible. Hier le mariage de Marie, enfin, ce matin, je laisse tout le reste pour vous parler du pauvre Emmanuel dont l’état me tourmente, bien qu’il n’y ait rien de grave, m’assure votre mère. Doutez-vous que mon cœur me porterait près de vous si la raison ne lui imposait silence! Je serais un embarras de plus et ne pourrais vous être d’aucun recours. Vous aussi vous avez besoin de ménagements et devez vous considérer comme malade; comment voulez-vous que je me constitue votre garde-malade en même temps que celui d'Emmanuel. Et puis, pourrai-je aller à Brest s'en aller voir madame Faivre et porter partout la contagion, à vous la première. Qu'auriez-vous fait de moi hier au soir au 10h? Ce que je vous demande, c’est un mot très court, ou très long si vous aimez mieux pour me donner des nouvelles de notre cher malade. Vous avez dû recevoir une lettre de Xavier. J’en ai reçu une moi aussi; elle est triste, et il me paraît partir avec moins d’entrain que la première fois. Il a des instincts de famille qui se réveillent, ce dont je suis content du reste. Il a passé une soirée dernièrement dans une famille d’alfatiers espagnols en revenant à Saïda. Cette soirée a marqué pour lui, il a pensé à la sienne aux réunions auxquelles depuis si longtemps il ne prend plus part. Partir sans nous revoir lui est pénible. C’est long, deux ans! qu’arrivera-t-il d’ici là? Il m’annonce des photographies; il y en aura pour Emmanuel pour Pierre, pour Henri; ce sera, me dit-il mon dernier souvenir et mon cadeau d’adieu. L'expression dépasse évidemment sa pensée, mais telle qu'elle est, elle fait rêver! Qui sait s'il ne dit pas vrai sans le savoir! Vous voyez si j'ai mes raisons d'être triste moi aussi! Je n'ai pas apporté grande gaieté au mariage de notre bonne Marie que j'aime et à qui je n'aurais pas voulu faire de peine en refusant d'être témoin de son bonheur. C'était aussi une occasion de revoir l'oncle Raoul, Bethsy et Jeanne votre homonyme de Quimper. J'ai trouvé René du Cosquer très bien. Je me rappelais l'avoir vu à Brest à votre mariage et l'avoir trouvé très bien même à cette époque. Bientôt, il viendra avec sa femme occuper votre chambre. Je crois qu'ils sont en ce moment à Arradon mais personne n’est censé le savoir. C’est un mystère. Les [Galles?] parentes des du Cosquer ont une maison de campagne pas loin de la mer et les y ont installés. Ils iront ensuite à Rennes, puis reviendront ici puis à Kerdudo, à Quimper et enfin à Brest où je crois qu'ils seront bien aises d'arriver. Il y avait une pluie de cadeaux mais nous étions trop nombreux ou bien Kerdudo trop petit. Nous étions les uns sur les autres; le déjeuner a duré de midi ½ à 3h. Nous n’avons eu que le temps de nous transporter à la gare de Gestel pour être de retour ici à 3h ½ et donner un peu de place aux survivants. J’aurais mieux aimé, je vous assure prendre la direction de Brest et aller vous embrasser. Puissiez-vous m’écrire bientôt  qu’Emmanuel va bien et n’a plus le moindre soupçon de fièvre. Le pauvre P. de Beuvron m’écrit à son sujet. Il a des idées folles, le pauvre père et Emmanuel a bien assez de ce qu’il peut ajouter à ses ennuis. Votre père Henri

Xavier me dit qu’il embarque le 3 ou le 4 février. Pas même le temps de lui écrire.

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