Lettre de Henri Desgrées du Loû à sa bru Jeanne Hamonno - 05/11/1892 [correspondance]

Publié le par Henri Desgrées du Loû (1833-1921)

[publié le 15/02/2023]

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[transcription]

Vannes le 5 Novembre 1892.

Ma bien chère enfant, voilà la grande nouvelle arrivée; Xavier part pour le Tonkin. Je viens de recevoir la dépêche me l'annonçant en même temps qu'une lettre vieille déjà de huit jours et dans laquelle il n'était naturellement pas question de départ. Il est vrai qu'il s'y attendait depuis plusieurs mois. Nous aurons du moins la consolation de le voir, car il va venir en France pour une période de temps vraisemblablement assez courte. Je ne vous parlerai pas de sa lettre du 27 Oct. dans laquelle il me parlait de ses occupations à Géryville. Tout cela perd de l'intérêt, et c'est du côté d'Haïphong qu’il faut désormais regarder. Je vais et je puis dire: nous allons passer par cette vie inquiète, les jours succédant aux jours, coupés de quinzaine en quinzaine par l'arrivée et le départ du courrier. Comme je vous l'ai dit, j'espère l'accompagner dans la tournée qu'il fera à Brest et à St Brieuc Je vous verrai donc enfin, vous, Emmanuel et Marie, et ce sera la meilleure consolation à la veille d'un vrai déchirement. L'Afrique, c'est un éloignement de cinq à six jours qu'il est toujours possible de franchir. Le Tonkin c'est une absence de 30 mois et peut-être….

Mais ne cherchons pas à pénétrer l’avenir; reposons-nous confiants dans la bonté de Dieu qui nous a si visiblement protégés et conduits jusqu’à présent. Je le dis aussi bien pour Emmanuel et pour vous que pour le pauvre Xavier. J'ai chargé Emmanuel de vous remercier pour m'avoir transmit la lettre d’Eugène Veuillot. Mais je veux vous dire encore tout le plaisir que vous m'avez fait. Je ne m'apercevais pas tout d'abord que c'était une copie, et j'admirais l'écriture cherchant déjà à y retrouver ce que je sais des bonnes qualités de cet écrivain. Quelle belle écriture, me disais-je. Quelle main ferme etc etc et m’apercevant de ma bévue, j’ai éprouvé une grande joie en vous retrouvant. Vous me demandez quelles sont les nouvelles de Pierre ? Très bonnes. Il se plaît certainement à la rue des Postes ou du moins ne s’y déplaît pas. Hier il a Mercredi il a dû sortir avec Robert et Thérèse. Henri va bien lui aussi; il est sorti hier et nous avons dîné ensemble chez l'oncle Charles dont c'est aujourd'hui la fête. Le soir nous dînions  encore en ville chez les Daudeteau, monsieur partant aujourd'hui pour retourner à St Chamond où il s'occupe d'armes à tir rapide. Si Emmanuel n'était pas aussi froid sur cet article, je vous parlerais des inventions qu’il a faites et dont il m’a régalé l’autre jour. Par extraordinaire c'est un artiste doublé d'un mécaniciens. Quand il peignait, il avait tous les ans des toiles au salon. J'ai vu chez lui l'autre jour de magnifiques fusains comme j'aimerais m'en connaître quelques-uns. Voulez-vous dire à Emmanuel que Mr Paul de Cornulier que nous étions allés voir ensemble au ministère de la marine il y a environ trois ans vient de mourir à la suite d'une campagne dans les mers de Chine. Nous sommes ici très occupés d'Amaury de Kerouallan qui doit passer demain son examen fin de rhétorique. Sa mère est dans de mortelles inquiétudes à son sujet, et je voudrais bien apprendre que le pauvre enfant a réussi. Et votre famille, ma chère Jeanne comment va-t-elle ? Madame Trochu est-elle complètement remise de ses misères ? Et madame Faivre ? Et votre mère ? Et les enfants ? Parlez-moi de tous et de tout. Je vous embrasse tendrement, vous félicitant de votre état de santé et souhaitant qu'il se prolonge jusqu'au bout. Je ne puis qu'approuver ce que vous me dites de votre vie. Embrassez Emmanuel pour moi et croyez à ma tendre affection. 

Henri 

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