Lettre de Henri Desgrées du Loû à son fils Emmanuel - 07/07/1892 [correspondance]

Publié le par Henri Desgrées du Loû (1833-1921)

[publié le 15/11/2022]

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[transcription]

Vannes le 7 Juillet 1892.

Mon cher enfant, suis tout heureux, moi aussi du succès de ta première plaidoirie. Il faut nécessairement quelques semaines, quelques mois peut-être pour vaincre cette gêne, cette pression pénible qui paralyse les orateurs à leurs débuts, et j'espère moi aussi, que tu ne tardera pas à être maître d'un bon instrument. L'important, sera de faire [sa?] grande musique au moyen de cet instrument: le travail et l'expérience te grandiront nécessairement, car tu as l'ambition de ne pas demeurer en soute et de tirer tout le parti des facultés que le bon Dieu t'a données. Tu n'auras pas oublié de remercier verbalement ou par écrit l’auteur de l’article Tribunaux dans la Bretagne. La presse locale peut faire énormément pour toi, et il sera prudent d’être bien avec la Bretagne sans te mettre la Dépêche à dos. Ta lettre m’a fait très grand plaisir. Je l'ai lue à ton oncle Auguste, à ta tante, en commençant par l'article de la Bretagne, et j'ai ouvert une lettre qui allait partir pour Saïda afin que Xavier lui aussi fut informé de la brillante défense de Gaboury. Tu aurais peut-être préféré l’abbé Delafosse le vicaire Gal de Rennes. Cela viendra, et Me [Carrel?] a commencé comme toi. L’affaire de demain ira toute seule. À la justice de paix, il n’y a pour ainsi dire pas d’auditoire, et je pense du reste que la cause de la couturière de Jeanne ne prête pas à de grands effets d’éloquence. Les juges dans un conseil de guerre sont comme les jurés plus accessibles que les magistrats de la profession. Il faut toujours faire leur éloge, ou tout au moins laisser passer comme malgré soi une admiration profonde pour leur valeur professionnelle, les services qu'ils ont rendus, etc. et lorsqu’on tire du passé militaire d'un Gaboury quelconque des arguments susceptibles d'atténuer la peine, il n'est pas mauvais de supposer qu'on les prend dans la conscience même des juges qui luttent entre le devoir et leur générosité naturelle à l’endroit d’un homme qui a partagé leurs périls. Je me rappelle qu’à ses débuts, Michel, l’ancien président de St Malo, fut invité à dîner par le membres ou au moins par des membres du conseil de guerre séant à Remus. Voilà qui va très bien, et surtout ne manque pas de m’entretenir de tes succès au fur et à mesure qu’ils se produiront. Jeanne ni toi ne me parlez de sa santé. Je pense que c’est bon signe. Tu la féliciteras elle aussi de ma part et tu la remercieras d'avoir ajouté quelques lignes enthousiastes à ta lettre. J'ai besoin de cela pour être heureux. Nous venons d'avoir Robert et sa femme pendant quelques jours. Ils sont partis hier pour Nantes, continuant leur tournée de famille. Nous avons été très contents de Thérèse, très simple, très douce, contente de tout et, je crois, très aimée de son mari qu’elle aime aussi beaucoup. Liziec s’est mis en frais comme d’habitude et ton oncle Raoul en était. Dimanche, je l’avais rencontré à Quimper Ste Anne et ramené ici. Il a comme toujours beaucoup parlé et sans le moindre trac, raconté de merveilleuses histoires, si bien que Félix se tenait le ventre à force de rire et que Thérèse pleurait de grosses larmes. J’imagine qu’elle n’a pas rencontré beaucoup de Raoul dans sa vie. Nous allons partir de très bonne heure pour Nogent à cause du mariage de Marie qui m’a demandé d’être son témoin. Le mariage aura lieu le 27. Les vacances seront longues. Pierre va passer son écrit lundi; je crois t’avoir dit que nous gardions Henri pour l’année prochaine. Le concours continue. Dimanche dernier, il y avait ici 160 binious qui jouaient tous ensemble, mais chacun un air différent. C’était, m’a dit Rapha d’un très grand effet. Dimanche prochain la Garenne sera envahie par les musiciens. L’abbé Guillermic doit concourir avec sa fanfare paroissiale. Adieu, mon cher enfant, n’oublie pas le discours de Mgr Ireland. Une autre grave question c’est celle des élections en Angleterre. Embrasse tendrement Jeanne pour moi et présente mes respectueux hommages à Mmes Hamonno et Faivre, sans oublier les Trochu. Les vieux avocats ont des pronostiques à ton sujet. Qu’ont-ils pronostiqué?

Henri

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