Lettre de Henri Desgrées du Loû à sa bru Jeanne Hamonno - 04-05/07/1892 [correspondance]

Publié le par Henri Desgrées du Loû (1833-1921)

[publié le 12/11/2022]

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[transcription]

Vannes le 4 Juillet 1892.

Ma chère Jeanne, jugez si votre lettre m’a fait plaisir et m’a ému. Je l’ai lue à mon arrivée de Ste Anne où j’étais allé avec le pêlerinage [sic] annuel de conférences de St V. de Paul, et jugez si vos sympathies pour Gaboury Félix Victor m’ont immédiatement gagné. Et voilà qu’à l’heure qu’il est, son sort, je veux dire le sort d’Emmanuel est à peu près décidé. Comment les choses se seront-elles passées? Notre jeune avocat aura-t-il reçu les compliments de ses confrères? Aura-t-il été salué par une triple salve d’applaudissements?

Le 5 Juillet

Le décousu de cette lettre et les interruptions qui ont commencé dès la première page vous donneront elles une idée de ce que je deviens depuis dix jours et de l’impossibilité où j’ai été de répondre à la dernière lettre d’Emmanuel? Aujourd’hui, c’est l’oncle Raoul que j’ai ramené de Ste Anne; ce sont depuis plusieurs jours les Robert de Lambilly et les tournées de famille et d’amis. Samedi nous étions au [Rest?]; demain ce sera à Liziec. Nous reprenons ensembles les tournées que j’ai eu tant de plaisir à faire avec vous. Mais pendant que j’y pense et puisque je viens de vous parler d’Emmanuel, qu’il me dise pour ma tranquillité s’il a reçu les 300 fr que je lui ai adressés vers la mi-juin. Demandez-lui aussi de m’envoyer le N° de l’Univers dans lequel se trouvait le discours de Mgr Ireland l’archevêque de St Paul aux Etats-Unis. S’il l’a perdu, qu’il ne s’en tourmente pas autrement. Ce discours a certainement dû le frapper. Comme notre clergé est loin de cette puissance du clergé anglais ou américain et comme avec cette maxime: le clergé ne doit pas s’occuper de politique, on l’a isolé dans ses sacristies! Nous avons donc les Robert de Lambilly, et nous sommes très contents de sa femme. Mais je ne la retrouve pas dans le portrait dont je vous ai parlé, et elle n’a pas la moindre ressemblance avec votre sœur. Elle est très grande, mince, d’une simplicité qui charme, timide sans gaucherie, satisfaite de tout et pour tout dire, l’aînée de 12 enfants encore vivants. C’est une situation qui oblige à un grand déploiement de facultés intellectuelles et morales. Aura-t-elle l’occasion de déployer un jour pour son propre compte ces facultés consacrées jusqu’ici à ses frères et sœurs? C’est le secret de Dieu. Vous ne me parlez pas de vous, ma chère enfant; que faut-il en conclure! Allez-vous tout-à-fait bien? Marie dans sa dernière lettre me parlait d’une jeune novice que l’on croyait trop délicate pour faire ses vœux. et Le médecin un peu préoccupé à son sujet s’est rassuré en voyant survenir une crise de dents de sagesse. C’est à cette crise qu’il a tout attribué: la toux, l’anémie, etc. etc. En sera-t-il ainsi pour vous et le dénouement de cette crise dentaire sera-t-il la fin de toutes vos misères physiques! Nous allons partir à la fin du mois pour la Bourgogne. C’est un peu plus tôt que je ne croyais, et beaucoup plus tôt que je ne voudrais. Si j’étais libre d’agir, croyez bien, ma chère Jeanne que ce n’est pas de ce côté que j’irais, et que ne pouvant songer à Saïda, je ferais la navette entre Brest et St Brieuc. J’ai reçu deux fois des nouvelles de Xavier qui n’est pas malheureux, quoi qu’en puisse penser Emmanuel. Il aime cette grande vie d'Afrique et l'ambition de faire ce que d'autres n'ont pas fait le soutient. Il vient de m'envoyer une belle carte, reproduction de ses travaux sur la frontière de la Chine, dont le ministre de la Guerre lui a fait cadeau: Je la fais entoiler pour être clouée à l'endroit le plus approprié de la maison. Son nom s'y trouve imprimé en grosses lettres. Pour moi, c'est un monument qui me parle des dangers que votre frère a connus et aussi de la reconnaissance que je dois à Dieu qui l'a protégé. Il en faut toujours venir là. Nous sommes tous si dépendants! L'oncle Raoul me charge de tous ses souvenirs pour Emmanuel et pour vous. J'y joins ceux de votre belle-mère, de Pierre d'Henri. C'est le 11 que Pierre va passer son écrit, après quoi, s'il est reçu, il faudra affronter la rue des Portes. Quant à Henri, nous nous sommes décidés à lui faire faire une [deuxième?] année de science avant de lui faire subir l'examen. Nous le garderons donc encore une année, mais il va se trouver bien seul au collège sans son frère. Heureusement qu'il n'y songe pas encore. Ils sont sortis tous les deux ce matin. On a réuni deux jours de congé en un seul, de sorte qu’ils ont fait la grasse matinée ce qui est le rêve de tous les écoliers. Et maintenant je vais terminer cette lettre comme je l'avais commencée hier en vous remerciant de m'avoir initié aux émotions du premier plaidoyer et en exprimant le désir d'en savoir bientôt plus long sur la journée d'hier et sur Gaboury qui entre nous me fait l'effet d'être un assez triste gredin. Je vous charge de mes meilleurs souvenirs pour Madame Hamonno pour Mme Faivre, les Trochu. Embrassez pour moi Emmanuel si vous en trouvez le temps. Je ne tarderai pas à vous écrire. Nos jeunes mariés partent demain, l’oncle Raoul ce soir et nous allons retomber dans notre calme habituel.

Adieu Henri.

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