Lettre de Henri Desgrées du Loû à son fils Emmanuel - 20/06/1892 [correspondance]

Publié le par Henri Desgrées du Loû (1833-1921)

[publié le 26/10/2022]

[lettre précédente]

[transcription]

Vannes le 20 Juin 1892.

Mon enfant, je prends une vive part à vos ennuis, et tu voudras bien dire à madame Hamonno et à madame Faivre que je compatis bien sérieusement à la peine qu’elles ont éprouvée de cette profanation. Il me paraît très difficile d’établir la culpabilité de cette fille. N’y-a-t-il pas une possibilité que le vol ait été commis avant son entrée au service de ta belle-mère? Enfin, la police parviendra peut-être à y voir clair. Là je suis obligé de donner ma langue aux chiens. C’est un très gros ennui pour tout le monde, et je voudrais pour vous que le temps eut fait un pas de plus. Ce que j’attends aussi, et qui suivra probablement sans tarder, c’est le premier plaidoyer. Ne t’en rapporte pas aux journaux pour me l’apprendre. J’ai reçu hier une lettre de Xavier. Il me parlait longuement de vous, de votre santé, et voudrait vous mettre entre les mains d’un bon boucher. Il se rappelle que Jeanne mange volontiers un artichaut cru dans du vinaigre; c’est suivant lui un mauvais régime. Lui, prônait la viande, beaucoup de viande aux personnes nerveuses, et recommande à Jeanne d’en absorber au moins une demi-livre crue par jour. Voilà sa consultation dans laquelle il y a du bon et dont tu pourras toi aussi faire ton profit. Du Couëdic vient de me faire part du mariage de son fils Yves avec Melle de la Motte Barre, charmante jeune fille, me dit-il, mais ayant peu de fortune. Ce qui m’a bien amusé, c’est qu’il commence par faire une charge à fond contre l’argent et l’amour de l’argent qui caractérise notre époque. Il me dit que l’amour de l’argent est le vice de la vieillesse, que c’est aussi le vice des sociétés vieillies, et il se termine en se félicitant que son cher Yves ait porté ses visées plus haut. Je vois que sur ce point vous auriez pu facilement vous entendre; sur d’autres aussi, car il est à la suite du Pape. Ce qui m’amuse, c’est de voir dans le camp opposé un tas de gens qui cherchent probablement à donner le change, mais qui n’ont jamais rien fait pour la monarchie. Mr de la Rochefoucauld notamment l’un des hommes du Septennat était notoirement contraire au Cte de Chambord pendant et aux comités légitimistes qui servaient directement ses instructions. On va vite sur cette pente du manque de respect. Voilà par exemple Mr de Cazenave qui ne se doute pas que son fils se rend parfaitement ridicule avec sa dépêche au Cardinal Rampolla - Vatican - Rome. il y a pourtant de braves gens dans la [roideur?]. C’est ainsi que j’ai vu à Nogent mon vieil ami du temps jadis la Tour du Pin embarqué avec toutes les nullités aux grosses fortunes et aux noms retentissants. Il faut toujours, mais il faut surtout aux époques difficiles à comprendre comme celle où nous vivons une grande docilité à ceux que Dieu a préposés au gouvernement de son Église. Tu auras lu avec intérêt les lettres du P. Lacordaire à Mr de Montalembert. Ces affirmations sont toujours vraies et nous n’avons pu là en faire notre profit, pour nous-mêmes. Nous ne serons forts qu’à la condition d’être unis, et nous ne serons unis qu’à la condition d’être soumis au pape, le seul qui finisse toujours par avoir le dernier mot. Nous avons eu indirectement des nouvelles de Robert et de sa femme. Ils doivent être à Jersey depuis quelques jours après avoir fait escale à Paris. Nous les attendons dans une huitaine mais pour peu de temps. Son congé n’est que de 30 jours et doit expirer le 13 Juillet. D’ici il ira probablement à Lambilly, puis s’en ira par Nantes où il verra son oncle Rogatien toujours à la recherche de l’azote à bon marché. Nous avons pris le parti de n’envoyer que Pierre passer son examen de sciences. Je trouvais les chances de Rico trop faibles, et je craignais après un premier échec une perte de temps en octobre et novembre pour préparer un deuxième échec au détriment des premières leçons des cours qu’il va recommencer l’année prochaine. Quant à Pierre, s’il passe, il va probablement aller l’année prochaine à la Rue des Postes. Puisse-t-il en sortir [net?] comme il y entrera. Nous sommes actuellement dans la semaine des congés. C’est demain la confirmation, puis vient la fête du P. Recteur, puis la retraite des Philosophes. D’un autre côté, les fêtes se calmant un peu, ce qui n’est pas un mal. On nous a rendu la circulation de la Garenne, ce qui me rend mon raccourci sur St Patern. Je note en passant les Processions de Dimanche qui n’ont rien laissé à désirer comme affluence de la population et la tenue. Le temps s’est montré très favorable, et le soleil s’est voilé pour la circonstance. Adieu, mon cher enfant, je t’adresse dans ces lettres 300 f. sans crier gare. J’espère t’en envoyer autant le mois prochain. 

Embrasse Jeanne pour moi; c’est Vendredi sa fête: souhaite la lui de ma part, et dis-lui que ce jour là je ne l’oublierai pas. Mes hommages à ta b. mère et ta b. sœur.

Henri

Ce [mo???er?] d’Henri m’a dit ce matin que le patron de Jeanne n’était pas St Jean Baptiste, ni St Jean l’Évangéliste, mais St Jean de Nivelles…!!! Pas mauvais

[lettre suivante]

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article