Lettre de Henri Desgrées du Loû à son fils Emmanuel - 16/09/1890 [correspondance]

Publié le par Henri Desgrées du Loû (1833-1921)

[publié le 07/01/2022]

[lettre précédente]

[transcription]

Nogent le 16 Jui Septembre 1890.

Mon cher enfant, en même temps que ta lettre, j'en ai reçu une de Xavier. C'est la 3ème depuis 15 jours. La seconde postérieure en date de 2 jours seulement la première était venue par un un transport et avait pour but de m'informer que M Palle était nommé chef de bureau militaire du [Heridant?] supérieur. Mais les recommandations sont inutiles maintenant, car voici la lettre que Xavier viens de recevoir du Ct de Labartède: “Je vous annonce une bonne nouvelle; j'ai obtenu en votre faveur une proposition spéciale pour le grade de capitaine. Elle est actuellement en route pour Paris. Le Gal en chef vous a chaudement noté et demande votre inscription immédiate et d'office à la suite du tableau de l'année dernière. Je regarde le succès comme assuré et cette récompense n’est à mes yeux qu'une juste rémunération des services que vous avez rendus et de vos pénible travaux des mois derniers. Donc tous mes compliments.” 

Voilà donc de très bonnes nouvelles et le principal but que se proposait Xavier en allant au Tonkin atteint, a moins que……. le ministre ne donne pas suite à la proposition du Gal en chef. Ce serait singulier, mais c'est possible. Toujours est-il que j'ai compulsé hier à la mairie de Montbard les Officiels du 1er au 15 Septbre et que je n'ai rien trouvé. En supposant que tout aille pour le mieux, cela ne veut pas dire que Xavier soit capitaine tout de suite. Il me chargeait de lui adresser les tableaux d'avancement de 88 et 89. Je les ai dénichés à l'Officiel à Montbard et les ai copiés, ainsi que les promotions de juillet, les dernières. Croirais-tu qu'il y a encore 80 noms sur le tableau de 88 et 150 sur celui de 87 soit 230 officiers à nommer au choix avant Xavier. Il est vrai qu’il y a un coup de pouce en faveur du Tonkin. J'en ai compté trois qu'on a fait passer sur le dos de 80 inscrits avant eux sur le tableau. Cela ferait encore 150 noms, au moins 1 an. Sur le tableau de 89, j'ai lu le nom de [Liau?], mais pas d'autres de connaissance, pas même celui de [Vranière?] sorti 3 ans avant Xavier et Liau. Ce qui est beaucoup plus fâcheux que tout cela, c'est que le pauvre Xavier a toujours la fièvre, ou du moins il en a eu un accès au lendemain du jour où il m'écrivait les premières pages de sa lettre et où il était si heureux! Il me parle toujours de [???on] de sa campagne d'hiver, de la médaille du Tonkin qui le mettrait au comble de ses vœux. Je me propose d'écrire à Frater pour essayer de savoir où Xavier en est la proposition de Xavier et si on lui joue le tour de n'en pas tenir compte. Ceci nous obligera à ne plus parler de Frater qu'avec componction. Et maintenant, j'en viens à ta lettre. Ce que tu me dis de tes examens me contrarie; c'est un retard le 7 à 8 jours et cela va modifier nos plans. Ta maman qui veut jouir jusqu’au bout de la présence de Robert sans l’obliger à venir à Vannes tirera sur la corde jusqu’au bout, c’est-à-dire que nous ne rentrerons pas à Vannes avant le 6 ou le 7. La semaine prochaine nous irons à Montjay. Je ne crois pas que ce soit avant le Jeudi 25 et si tu m’écris Dimanche ou lundi tu pourras encore m’écrire à Nogent. Robert est arrivé hier en bon état. Il a un mois de permission. J’ai été très content de savoir du Couëdic à Brest, comme aussi de savoir que tu marchais bien avec son fils Henri. Ce te sera pour l’année prochaine une bonne et sure relation. Les nouvelles que tu me donnes de Rapha sont tristes, mais absolument conformes à celles que nous recevons de Vannes. Il est trop à craindre que le pauvre garçon ne puisse pas continuer sa carrière. T’ai-je donné des nouvelles de la rue de Séné? Il me semblait t’en avoir parlé. Marthe a fait son pèlerinage de Lourdes avec Mr [Gidel?] et ses deux filles. Le pauvre Mr Gidel est mort subitement à Lourdes en sortant du confessionnal. Juge de l’émotion et de la douleur de ces pauvres petites. On a télégraphié à Vannes et c’est le curé de la Cathédrale qui à 10 h. du soir est venu chez ton oncle l’informer de ce qui était arrivé. Celui-ci est allé faire part à Madame Gidel de son malheur, et cette dernière est partie le lendemain pour Lourdes à la recherche des restes de son mari. Quel évênement! Ton oncle Charles m’en raconte encore un autre qui l’intéresse vivement: son fermier de Banarach revenant de la foire où il avait vendu ses bœufs a été volé de 750 f. La ferme ne sera certainement pas payée et ils seront donc à supporter cette perte. À la Garenne on va comme ci - comme - ça ta tante était enrhumée et se plaignait de maux de tête qui l’empêchent d’écrire. Ta tante de Kerouallan et Marie D. sont à Vannes chez ton oncle Auguste. Elles en seront parties quand nous serons de retour. Je t’ai dit tout ce que Xavier me disait lui-même de l’ami Guays. Sa blessure allait très bien. Je partage ton sentiment à son sujet. Je ne le connais pas, mais j’avais un très vif sentiment d’estime pour son père et son grand’père. Celui-ci s’est littéralement sacrifié m’a-t-on assuré, lui et les siens pour la cause royale. Il y a comme cela dans la politique deux espèces d’individus ceux qui tirent les marrons du feu et ceux qui les mangent. Le grand père Guays était de la 1ère catégorie. Ne nous faisons plus trop de bile pour la politique et laissons au moins le soin de tirer les marrons du feu à ceux qui en ont reçu la mission. Ce sera suffisant de leur apporter notre concours. Quant au post scriptum de ta lettre, je n'ai qu'un mot à te dire: aie sans cesse devant les yeux la loi de Dieu; fais-toi une loi de ne jamais provoquer, de ne jamais envenimer une discussion; sache au besoin faire le sacrifice d'une épigramme et comme tu me le dis avec tant de raison n'oublie jamais que la politesse est une sauvegarde. Heureux ceux qui ont non seulement la politesse des formes, mais aussi celle du cœur. Il est possible que je t'envoie l'Univers pour un article d’Aubineau qui fête sa cinquantaine à l'Univers. 

On se rappelle ici à ton souvenir.

[lettre suivante]

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article