Lettre de François Desgrées du Loû à Monseigneur Gand sur le futur catéchisme - 15/04/1968 [partiel]

Publié le par François Desgrées du Loû (1909-1985)

publié le 01/01/2021]

[retranscription]

[1]

Rennes, ce 15 Avril 1968

Son Excellence Monseigneur GAND

Évêque de Lille

118, rue Royale

Lille

Monseigneur,

Un religieux de mes amis m’a conseillé de m’adresser à Votre Excellence. Mes titres sont ceux d'un simple laïc: longtemps directeur adjoint d'un grand journal fondé par mon père dans la ligne des instructions de Léon XIII, père de famille nombreuse et depuis quelques années déjà grand-père, je suis très inquiet du futur catéchisme, et si j'apporte mon témoignage ce n'est pas comme “intégriste” - je crois ne pas l'être - mais parce que je crois, en toute simplicité, que les critiques que j'ai lues ne sont pas sans un sérieux fondement. 

J’ai pu correspondre avec un de nos évêques et j'ai compris que l'argument pédagogique était à la base du raisonnement qui a motivé jusqu'à présent la faveur accordée par les autorités religieuses au projet de “fonds commun” si vivement discuté. Mais il n'y a pas que cela. 

Du point de vue pédagogique d'abord, je crois, très sincèrement, qu'on a sous-estimé la faculté de compréhension des enfants en question. Je n'invoque pas seulement ici mes souvenirs personnels se reportant à mes années d'enfance, de 1918 à 1925, ni mon expérience d'éducateur: on pourrait me répondre que ma famille était privilégiée à cet égard. Je sais que mon épouse à enseigné le catéchisme à des enfants d'un milieu populaire et qu'elle les a trouvées (il s'agissait de petites filles) très ouvertes aux vérités surnaturelles tant qu'elles n'avaient pas encore subi l'empreinte de l'enseignement dit laïque. Je crois aussi que l'enfant peut percevoir des notions telles que l'éternité de Dieu, sa grâce, la chute du premier homme, l'autorité apostolique, quand elle lui sont communiquées d'une manière adaptée à ses facultés. Et je constate qu'à ce point de vue, si l’on juge l'arbre à ses fruits, de vieux curés de campagne pourraient en remontrer aux spécialistes de la pédagogie moderne. 

Mais le plus grave à mes yeux est dans le fait que les “silences” du fond commun portent précisément sur celles des affirmations dogmatiques que certains théologiens remettent en question malgré les avertissements du Pape et les documents conciliaires. K. Rahner a lui-même [2] désigné comme une méthode de l'hérésie le silence voulu sur des points essentiels. Or à l'heure présente le refus de telle affirmation simple et claire équivaut en fait à un doute, et à un doute fondamental. Qu'on le veuille ou non, l'enseignement d'autorité est inclus dans la mission apostolique. Il est donc très grave de donner à penser aux parents et aux catéchistes - dont un bon nombre manquent de formation religieuse profonde - et aux membres du clergé que sur le péché originel, sur la grâce du baptême, sur les commandements de Dieu, sur la conception virginale, sur l'Immaculée conception, sur la présence réelle du Christ après la messe, sur l'autorité spécifique universelle du successeur de Pierre, sur la morale chrétienne, l'Église n’oserait plus dire ce qu'elle a toujours dit. Or il suffit de connaître les débats actuels pour constater que dans la circonstance le catéchisme est un test: nous ne sommes plus au temps de Léon XIII, de Pie X ou de Pie XI: ce qui eût semblé alors un aspect secondaire de discussions de méthode apparaît aujourd'hui comme une épreuve et un signe, parce qu'il y a contestation ouverte et publique

Pouvons-nous espérer que nos pasteurs feront comprendre aux responsable de la catéchèse la possibilité qui leur reste de corriger leur projet, de mettre les points sur les i sans s'arrêter à des considérations de prestige qui ne sont pas de saison ? 

Si oui, un grand apaisement est certain, et ni les parents ni les enfants n’auront à s’en plaindre.

Sinon, le risque est double.

D'une part, il apparaîtra que le désaccord porte sur le fond du problème. On le croira d'autant plus volontiers que la revue Catéchèse a déjà soutenu une thèse hasardeuse sur le baptême et son “efficacité de signe”, et qu’en une autre circonstance elle a paru renvoyer dos-à-dos l'Église catholique et nos frères séparés quant aux interprétations de l'Évangile postérieures aux ruptures et aux schismes. Le malaise ne pourra donc que s'accroître - d'autant plus que les enfants en cause, ayant dépassé l'âge de la communion privée, souffriront d'une insuffisance d'enseignement religieux alors que dans le domaine profane on brûle les étapes. 

D'autre part, ceux des parents qui comme nous tiennent à l'essentiel de l'enseignement religieux, dans l'esprit des instructions de Pie XII, se verront obligés de faire œuvre de suppléance, sinon parfois de contradiction... Y aura-t-il alors une sorte de rupture entre la famille et l'enseignement officiel des paroisses ? Il est grave pour des chrétiens de se sentir éloignés de leurs prêtres - on l'a vu lors de la Révolution française - ou même de devoir faire un tri parmi leurs pasteurs immédiats.

Je crois que les “protestataires” ne demandent qu'à être assurés de la permanence et de l'intangibilité de l'enseignement de l'Église, si menacé en cette année de la Foi. Nous tenons bon, par confiance en Dieu, mais c'est parfois difficile, surtout quand nous avons besoin de l'assurance des apôtres, soutien de la nôtre. Nous ne pouvons croire que la continuité du [suite manquante]

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