Lettre de Henri Desgrées du Loû à son fils Emmanuel - 12/06/2018 [correspondance]
[publié le 22/12/2018]
[retranscription]
Conlo le 12 Juin 1881
Il n’est pas trop vrai, mon cher enfant, le collège St François Xavier est définitivement fermé. Bien que prévue, cette mesure est tellement odieuse, tellement vexatoire, tellement contraire même aux lois qui nous régissent, que j’en suis tout bouleversé. Je suis allé voir M. le Clanche ce matin, et n’ai pu lui laisser que mon nom. Si tu l’as reconnu l’autre jour à la porterie, tu as eu tort de ne pas aller le saluer. Le soir j’irai voir le P. du [Cargneray?], et je ne cesserai de prier le bon Dieu de venir à notre aide et d’empêcher les méchants d’accomplir tout le mal qu’ils méditent. Il me semble que de tels évènements devraient être pour les enfants chrétiens un puissant stimulant pour bien faire, et les attacher de plus en plus à leurs maîtres si détestés par les méchants. Leur désobéir, les contrarier par sa paresse et sa mauvaise volonté, c’est faire cause commune avec les communards, s’allier aux ennemis de Dieu. cet évènement domine aujourd’hui pour nous tout le reste. Henri n’a pas encore remis sa chaussure ordinaire, mais il marche avec des espadrilles ou des chaussons, et je pense qu’avant huit jours, il pourra reprendre ses souliers. Nous avons été bien heureux d’en être quitte à si bon compte, car il pouvait être tué, ou tout au moins avoir une jambe ou les deux jambes broyées. J’en rend grâce au bon Dieu de tout mon cœur. Je te rappelle en passant que l’on dit se baigner par un A., et non pas se beigner par un E. Du reste, tes lettres ne sont pas mal orthographiées.
Les apparences du jardin sont belles. Tu trouveras quand tu reviendras ici des prunes et des poires. Pendant que j’y pense, procure-toi, et fais-moi connaître le programme de mathématiques pour la 4ème, la 3ème et la 2de.
Je voudrais bien savoir ce qui te manque pour être tout-à-fait au courant; pendant les vacances, je crois pouvoir te faire réparer ce que tu n’aurais vu qu’imparfaitement.
Adieu, mon cher enfant; observe-toi beaucoup pendant cette fin d’année. C’est généralement à cette époque que tu te laisses aller à tes sottises; qu’il n’en soit pas ainsi cette année. Aide-toi, fais des efforts, et soit certain que le bon Dieu te bénira. Je vais [aussi ????] le prier pour toi et pour Xavier qui avez plus particulièrement besoin de son secours.
Ton père
Henri