Lettre de Henri Desgrées du Loû à son fils Emmanuel - 28/03/1893 [correspondance]

Publié le par Henri Desgrées du Loû (1833-1921)

[publié le 21/05/2023]

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[transcription]

Vannes le 28 Mars 1893.

Mon cher enfant, ce que ma dépêche ne t'a pas dit, c'est le profond chagrin que j'éprouve de te l'avoir adressée, et le deuil qu’elle va laisser sur mes vacances de Pâques. Je vais te dire tout simplement ce que j'ai fait au reçu de ta lettre. Je me suis tout d'abord promis d'agir en conscience, sans écouter le cri de mon cœur et de te transcrire purement et simplement l'émotion d'un homme de bon conseil et désintéressé dans l'affaire. À ma question l'état sanitaire est-il bon ? il Mauricet m'a répondu: il est normal. Il y a des fièvres typhoïdes ni plus ni moins qu’à l'ordinaire et dans votre habitation de la Garenne surtout, votre belle-fille ne court aucun risque. Pouvais-je m'en tenir là ? Non, n'est-il pas vrai, ma conscience me l’eut reproché; je lui ai donc dit tout ce que ce qui était arrivé. Oh, c'est bien différent. En ce cas, je conseille de ne pas changer de climat. La situation est toute différente. J'ai prolongé l'entretien et je ne suis parti que quand j'ai été convaincu que c'était une opinion arrêtée et fondée. Mais comment te dire cette peine succédant à cette joie! Ta maman en a sa part elle me charge de te dire tous ses regrets, à toi, et à la pauvre Jeanne, bien entendu. Quand retrouverons-nous une pareille occasion ? Pierre est arrivé ce matin, nous aurions passé là quelques jours comme il y en a peu sur terre, surtout pour moi. Je te verrai à Brest, mais ce n’est plus la même chose, et surtout ce sera infiniment plus court. Je tâcherai de faire comme tu me dis et d'aller pour la fin de la semaine de Quasimodo; à la condition pourtant que tu sois bien certain de n’être en rien gêné par ma présence à ta conférence. Je t'ai dit qu'il y avait à Vannes quelques fièvres typhoïdes. Tu apprendras avec peine la mort de ton camarade Magré. Il venait d'achever son installation qu’il avait faite aussi élégante que possible dans la maison de sa mère. Celle-ci [pauvre?] femme au comble de ses vœux voyait son fils près d'elle, fini définitivement dans sa demeure. C'était un rêve de dire, quinze ans peut-être enfin réalisé [?]; elle ne songeait plus qu'à marier ce cher enfant, qui commençait à se faire une clientèle. Dimanche je les rencontrais souvent tous deux comme deux amis s’en allant à la messe, le cœur plein de reconnaissance, j'en suis certain; il n'a fallu que quelques jours de maladie pour tout briser. La pauvre femme était mourante de son côté d'une maladie de cœur, et il a fallu la porter dans la chambre de son fils pour qu'elle le vit mort. Mais vous [verrez?] qu'elle n'aura pas la chance de le suivre. Oh! Ne nous plaignons donc pas si tout n'arrive pas au gré de nos vœux, soyons résigné dans les peines qui nous arrivent afin que Dieu nous en épargne de plus grandes. C'est là dessus que je termine en t'embrassant et en embrassant Jeanne avec toute la tendresse que tu me connais. 

Henry.

J’ai reçu la lettre d’Obock avec une quinzaine de jours de retard. Xavier était plein d’entrain comme dans les autres. À bientôt celle de Colombo.

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