Lettre de Sophie Piédevache à Henri Desgrées du Loû - 17/07/1891 [correspondance]

Publié le par Sophie Piédevache (1844-1923)

[publié le 26/03/2022]

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[transcription]

Brest le 17 Juillet 1891

Monsieur,

En effet je crois que nous n’avons plus qu’à sanctionner l’amour de nos enfants, ils sont allés l’un vers l’autre avec toute la confiance que donne un sentiment aussi fort, sans savoir quand il avait commencé et arrivant à éprouver que ce lien s’est fait si solide qu’il ne peut plus être brisé. Jeanne a donc une grande joie, monsieur, à savoir que vous approuvez le choix de votre fils et elle veut vous dire sa respectueuse et déjà bien vive affection pour vous. Mais tout d’abord je veux vous répondre pour les renseignements que vous me demandez en même temps que je vous remercie de ceux que vous me donnez, car pas plus que vous, je ne m’étais informé de toutes ces choses qui ne peuvent être traitées que par les parents, surtout, quand comme nous monsieur, [avec?] des enfants qui heureusement sont aussi désintéressés. Vous me dites que Mr Emmanuel n’a pas de fortune, ma fille en a encore moins, elle a 30.000f de dot dont 25.000 de valeurs et 5000 d’une ferme de son père - le tout rapportant 1200f. Ma mère qui possède 14 à 15000 livres de rente environ (car la plus grande partie étant en terres rapporte plus ou moins chaque année) a deux enfants, ma sœur n’a qu’un fils, mais moi j’ai cinq enfants c’est vous dire que ce qui viendra de ce côté sera très divisé - de plus le respect très grand que j’ai pour ma mère m’empêche de prendre des mesures qui seraient cependant jugées sages car son intelligence a tellement vieilli qu’elle gère très mal ses biens. Je suis certaine cependant que le souvenir de mon père l’empêchera de toucher au capital, mais elle ne saura jamais tirer parti de ses revenus pour améliorer sa fortune ou pouvoir venir en aide à ses enfants. Mon mari qui avait peu de fortune est mort sans avoir droit à sa retraite et malgré ses longues années de magistrature, un gouvernement dont il n’a jamais voulu être le serviteur me refuse nécessairement toute pension, ce qui me prive de faire davantage pour mes enfants - Faut-il parler de deux oncles riches sans enfants dont l’un est parrain de Jeanne et l’autre est tuteur de mes enfants. Mon mari en aurait naturellement hérité en partie, désormais il faudra pour cela qu’ils songent à faire un testament, ce que leur affection leur dictera peut-être, mais c’est impossible à suggérer et on n’y doit jamais compter. Vous voyez donc cher Monsieur, que la certitude n’est pas brillante. Je sais que Jeanne ne souffrirait jamais du peu de fortune dont elle saura tirer parti, que si elle voyait son mari en souffrir et sur cela vous, et votre fils, êtes seuls juges. Mes deux filles aînées qui se sont mariées complètement selon leur cœur sont entrées dans des familles parfaitement humbles et bien posées, mais la fortune de leurs maris était encore moindre que la leur.

Comme vous je suis d’avis que nos enfants se séparent le plus possible malgré le chagrin qu'ils en auront, ayant foi l'un dans l'autre, confiants envers Dieu qui bénisse un amour qui s'est de suite élevé vers lui et calmes maintenant à la pensée que vous et moi approuvons le choix de leur cœur. Maintenant que je vous dise avant de terminer, l’affection que votre fils a su nous inspirer à tous et combien nous comprenons ici sa nature brillante et élevée. Et pendant ce temps de séparation qui va être bien dur pour tous deux nous viendrons quelquefois parler de l'avenir de ces chers enfants et Jeanne qui a été extrêmement touchée du mot si affectueux de votre lettre aimera [elle ?????] à vous conter ses peines

Ma fille Madame Faivre très reconnaissante de votre bon souvenir ne veut pas être oubliée près de vous. Recevez, je vous prie, Monsieur, l'expression de nos sentiments bien sincèrement affectueux 

S. Hamonno

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