Lettre de Henri Desgrées du Loû à son fils Emmanuel - 20/01/1890 [correspondance]

Publié le par Henri Desgrées du Loû (1833-1921)

[publié le 03/10/2021]

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[retranscription]

Conlo le 20 Janvier 1890.

Mon cher enfant, si c'est aux approvisionnements que je dois d'avoir reçu ta lettre un jour plus tôt, je les en bénis. Je pensais bien que tu avais écrit à Marie et j'ai su que tu avais écrit à ton oncle Henri. Il a été content de toi et de ta lettre et souhaite que “tu te maintiennes toujours tel que je me suis appliqué à te former”. C’est le cas de redire: non nobis Domine… Ton oncle Auguste ne manquera pas à la première occasion de me dire lui aussi quelque chose d'aimable à ton endroit, ce qui ne sera pas la première fois, et ce qui fait toujours plaisir. Je suis tout-à-fait content de ta lettre, et j'espère que tu vas, sans te tuer, te maintenir dans une bonne moyenne de travail. Ce qui me le fait espérer, c'est que tu parais déjà prendre une sorte d'intérêt aux choses de ton état. Et de fait, il n'est [pas?] intérêt d’arriver à se rendre compte de la manière dont l’on recrute et dont l’on entretient une grande machine comme la marine française. Et puis, il est si bon le père Bliard! Je me rappelle parfaitement Melle Louise de Boisangers. Nous avons manifesté ensemble, et si elle n'a pas été mise au violon avec moi, elle ne l'a dû qu’à son âge. Tudieu! quelle énergie. Elle dit même une parole mémorable que j'ai oubliée, mais qui eut dans le temps un grand succès. Tu ne pouvais avoir professeur de valse plus agréable. Tu n'auras pas été sans lui demander des nouvelles de son frère qui doit être aujourd'hui sous-lieutenant ou bien près de l'être. Ton oncle Auguste qui s'y connaît et qui l'a vu à Pau me le donnait pour un sous-off des mieux [fournis/ formés?]. Toutes mes félicitations aussi sur le dîner Michelin. Ton oncle Henri m'en avait parlé. Tu n'auras pas été sans remplir les vides que la pension aurait laissé dans ton estomac. Je n'ai aucun souvenir de Bagnon qui fait son droit à Lyon, et je me demande où tu as pu l'avoir pour camarade. Comme Guays serait bien inspiré de faire un grand effort en vue du commissariat! Je lui vois un avenir difficile. Et maintenant aux nouvelles: Rapha est parti ce matin pour Paris avec escale à Rennes. Il avait jusqu'au 24. Pourquoi ce départ précipité alors qu'il n'est qu'à peine remis ? Pourquoi un arrêt à Rennes ? Mystères. Ton oncle Charles est mal en train. Il croyait avoir l’influenza, mais il s'agit d'une bronchite, ce qui est pire; toutefois s'il ne sort pas mais il ne garde pas le lit. Je le trouve triste plus triste de que de coutume. Est-ce simplement parcequ’il ne peut sortir. Est-ce la pensée de ta tante Charlotte? J'ai reçu hier une excellente lettre de Xavier, lettre bourrée de photographies du Tonkin exécutées par un vice résident natif de Lorient et membre de la commission de délimitation des frontières. Il y en a une entre autres qui nous donne les types assez réussis des 13 membres et interprètes de la commission. Xavier n’en fait malheureusement pas partie. Il y a là des têtes de chinois à faire rêver tant ils sont laids. Les Européens ont vraiment meilleure tournure. Le nouvel ami de Xavier, le vice résident de 4e classe, une manière de préfet avec des appointements énormes lui a dit que son père qui habite Lorient est un vieux réactionnaire. Quant à lui, par contre pour entrer dans les gras pâturages de la R.F. il n'a pas hésité à se faire radical. “Nous sommes si loin de tout cela” ajoute Xavier en manière de circonstances atténuantes. Avec cette photographie, il y en a deux autres, l'une de Monkaï prise de la rive chinoise, l'autre du fort Chinois pris de la rive française. On est par continuation très content du travail de Xavier. Le commandant de la Bastide l’héberge chez lui quand il va lui porter son ouvrage, ce qu'il fait à mesure qu'il peut le mettre au net et son autre commandant, celui de la légion lui a donné les plus belles espérances pour son avenir et lui a donné à entendre est la suite de ses services topographiques il pourrait bien être l'objet d'une proposition supplémentaire: et allez donc la musique…! Enfin, je vois ton frère très content, plus content qu'il ne l'a était de longtemps et comme de ton côté, tu ne m’apparais pas comme extrêmement malheureux, je trouve que tout cela est bien et je désire que cela continue ainsi. De leur côté Pierre et Henri vont pas mal. Pierre vient d'être encore le 1er en version latine, et Henri 7me seulement ce qui n'est pas trop mal pour lui. Hier a eu lieu la fête des rois retardée pour cause d'influenza. Pierre m’a-t-on dit a eu un certain succès en tambour-major et Henri en bure. On travaille à l’ile dont on élargit la chaussée. J'ai été fort étonné d'y voir l'autre jour un chemin de fer pour le transport des terres. On va définitivement faire le chemin projeté de Conlo. Adieu, mon cher enfant, encore une fois, n'oublie merci de ta lettre qui m'a fait bien plaisir et n'oublie pas que le départ pour le Tonkin est Jeudi prochain. Je vais écrire demain et nos lettres voyageront ensemble. Ta maman et tes frères t'embrassent

Henri 

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