Lettre d'Emmanuel Desgrées du Loû à son père Henri - 24/11/1886 [correspondance]

Publié le par Emmanuel Desgrées du Loû (1867-1933)

[publié le 30/12/2020]

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[retranscription]

Mercredi 24 Novembre 1886.

Mon cher papa,

Maintenant que je suis définitivement logé, installé nourri, et le reste, je réponds à votre lettre. Vous dire qu'elle m'a fait plaisir est inutile. Vous savez bien en effet qu’il en est de même pour tout ce qui vient de vous. 

Grâce à Dieu, voilà encore une épine tirée de mon pied je n'ai plus qu'à me mettre courageusement au travail. J'ai bien réfléchi à tout ce que vous m'avez dit avant mon départ et j'espère que cette année vous serez content de moi. Ma journée est divisée de telle sorte que je vois en même temps à peu près toutes les matières qu'il me faut étudier. Le matin je fais du droit et le soir de l'histoire et de la littérature. Avant de me coucher je me [leste/ teste?] d'un ou deux problèmes, ce qui est un merveilleux apéritif pour le sommeil. Le lendemain je recommence et ainsi de suite il en sera jusqu'à mes examens. Il faut à tout prix que je sois reçu en commissariat l’année prochaine.

Les cours sont intéressants surtout celui de droit administratif dont M. Lucas est chargé. Celui-ci m'a prié de le rappeler à votre souvenir quand je vous écrirais. Ceux du commissariat vont bientôt commencer, et je ne pense pas que nous y soyons plus de trois ou quatre. C’est d'ailleurs suffisant à mon avis, car on pourra s'occuper plus facilement de chacun de nous. 

Le P. Taupin et le P. Poulain ont été fort aimables et très affectueux comme d’ordinaire; ils m’ont fait présent d’une vaste chambre attenant à un assé [sic] spacieux cabinet de toilette où j’ai fait placer mon lit. D'après ce qu'on peut prévoir, nous ne serons pas si nombreux cette année que l'année dernière et l'administration est un peu inquiète de ce côté. Quant à travailler, cela me sera facile. La plupart de mes anciens camarades ne sont pas revenus et Guays s'enferme chez lui à peu près toute la journée pour étudier la grammaire comparée, faire des thèmes grecs et des dissertation latines et autres choses du même genre qu'on exige pour la licence es lettres. Je fais comme lui de mon côté et je vous assure que tout est bien calme. 

Maintenant que je vous rende compte de ma situation budgétaire. Vous m'aviez remis 65 fr. à mon départ. Voici le tableau de mes dépenses ou à peu près:

Hôtel                                     12 fr

Robe                                     10

Fiacre, dépêches, café           8

Voyage de Caen à Angers    23

Au concierge et au garçon      8

                                             -----

                       Total                59

Il me reste donc 5 ou 6 fr.

J'avais oublié de vous demander 40 fr. pour la première inscription que je viens de prendre mais que je n'ai pas encore payée. Les inscriptions seront de 35 désormais parce qu'on paye en plus dans la première un droit de bibliothèque de 5 fr. 

Puisque j'ai abordé la question pécuniaire, j'en profite pour vous dire que la sœur économe m'a chargé par le P. Poulain de vous rappeler qu'il y avait un reliquat de l'année dernière. Il paraît qu’elle a besoin d’argent et qu’on leur doit encore 6000 fr.

Avez-vous lu la France Juive devant l’opinion? C’est palpitant. L’éditeur, cette fois ci, voyant que Drumont était d’un bon rapport a soigné l’impression du papier. C'est un volume de 300 pages où il répond à toutes les objections, attaques et calomnies dont son livre a été l'objet. Il y a encore un petit éreintement du duc de La Rochefoucauld. Le chapitre intitulé l'Escrime sémitique est assez ennuyeux pour Meyer et ses amis. 

Adieu, mon cher papa, je vous embrasse de tout mon cœur. Avez-vous reçu des nouvelles de Xavier ? 

Ne m'oubliez pas auprès de mon oncle Charles, de ma tante et des aimables châtelains de Liziec. 

Votre fils 

Emmanuel 

 

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