Pie XI [François Desgrées du Loû - 19/02/1939 - Le Ploërmelais]

Publié le par François Desgrées du Loû (1909-1985)

[publié le 07/02/2024]

[article précédent - Quand la France se retrouve]

[Le Ploërmelais - 19/02/1939 - p.1 - transcription]

PIE XI

Quelles attaques l’Église n’a-t-elle pas subies depuis deux siècles. La fausse science des encyclopédistes et les sarcasmes de Voltaire, les lois impies et les brutalité sanglantes de la Révolution, les prétentions du pouvoir civil sous tous les régimes, la propagande des “libres penseurs” qui jugeaient imminente, il y a cent ans, la disparition du Christianisme; l'oubli de certains devoirs de justice et de charité, l'amour de l'argent chez les uns, l'esprit de classe chez les autres l'introduction du laïcisme dans les lois et, chose plus grave encore, dans la vie de l'enseignement public; les hérésies les plus variées sur le terrain social comme dans l'étude des dogmes et de la morale; l'audace des “sans Dieu” et l’indiscipline de quelques chrétiens; la persécution dans le monde entier.. 

A toutes les erreurs, à toutes les ruses, à toutes les violences, s'est opposé, avec une inflexibilité déconcertante, pour qui ne veut connaître que l'aspect humain des choses, la force spirituelle de la Papauté. 

Et voici que le deuil de l’Église atteint douloureusement ceux-là même qui, se refusant encore à accepter ses lois, allaient tout naturellement à Pie XI comme au seul chef dont l’autorité pût donner le réconfort d’une tendresse paternelle. Combien de protestants, de Juifs, combien d’infidèles ou même de païens ont ressenti la même émotion que les plus fervents Catholiques à l’annonce de la douloureuse nouvelle! C’est un sujet de fierté pour ceux qui ont le bonheur de trouver dans leurs plus chères traditions familiales comme dans les préceptes de leur foi, le respect et l’amour de Rome.

“Fides intrepida”: c’est bien une foi intrépide qui caractérise le pontificat de Pie XI. Car ce grand pape, dont la science étendue, mais scrupuleuse, était admirée de ceux qui le rencontraient jadis à la célèbre Bibliothèque Ambrosienne, n’avait pas seulement l’étoffe d’un homme d’étude. C’était un prêtre pieux, et un caractère d’une force peu commune, d’autant plus inflexible dans ses décisions qu’il ne les avait prises qu’après beaucoup de travail. Ce courage éclairé convenait certes, à l’poque d’incertitudes et d’angoisses, de bouleversements et d’apostolat que Dieu lui avait en quelque sorte confiée. Nous retrouvons ainsi, dans le “Pontife de la Paix”, dans le vieillard dont l’énergie morale vainquit si souvent la maladie, à la fois le courage et la ténacité du Mont Rose, la conscience intellectuelle du bibliothécaire de l’Ambrosienne, et la piété sacerdotale de l’aumônier de Notre-Dame du Cénacle.

Avant d’être élevé par Benoît XV à la dignité cardinalice, Mgr Ratti, nonce à Varsovie, avait déjà donné quelques exemples de cette intrépidité et de ce dédain de la basse politique qui ont marqué son pontificat. Appelé à régler des questions délicates qui opposaient la Pologne à l’Allemagne, il vit ses efforts contrecarrés par des interprétations fausses et des parti-pris irréductibles, mais il ne dévia pas de la ligne qu’il s’était tracée, et l’on put constater plus tard qu’il avait vu juste. De même, quand la Pologne fut envahie par les troupes bolcheviques, seul de tous les ambassadeurs, il demeura à son poste, véritable défenseur de la cité. 

Nous l'avons vu depuis, défenseur de la cité chrétienne, de tous les principes de foi, de charité, de dignité, qui sont l'essence de notre civilisation, combattre avec le même courage les erreurs de notre temps: le communisme destructeur de la morale, de la famille, de la liberté; le racisme qui, lui aussi, rapproche l'homme de la bête; les exagérations d’un nationalisme qui, bien différent du patriotisme (car le patriotisme est une vertu), divinise l'État et la nation et les place, comme en Allemagne, au-dessus de la morale éternelle; enfin, les conceptions fausses, contraires à l’idéal évangélique et par conséquent à l’ordre chrétien, que les dirigeants de l’”Action française” répandaient en France et en Belgique, et qui n’avaient d’ailleurs rien de commun avec la tradition royale.

Nul pontificat n'a été, plus que celui-là, intransigeant sur les principes et généreux envers les hommes. Il a continué, avec un éclat particulier, les glorieux règnes qui l'ont précédé, complétant notamment, par des encycliques qui ont reçu l'hommage des non-chrétiens eux-mêmes, et par l'éclosion magnifique des groupements d'action catholique, l’œuvre immortelle de Léon XIII. 

Il y a plus: l'Église n'a pas seulement à se défendre, mais aussi à conquérir. Et pour la première fois, par la volonté de Pie XI, des enfants de race lointaine, des hommes de l'Extrême-Orient, ont reçu la consécration épiscopale. C'est le pape lui-même qui voulut procéder au sacre des premiers évêques chinois, dans la basilique de Saint-Pierre, le 28 octobre 1926. Jamais l'action apostolique n'a été si vigoureusement encouragée: les missionnaires de France peuvent en apporter le témoignage. 

Nous venons de nommer la France: placé, par son devoir, au-dessus des nations, le Souverain Pontife les aime toutes. Mais il est permis d'assurer que notre patrie était particulièrement chère au Pape Pie XI, et que de plus en plus la vocation de la France lui paraissait bienfaisante et réellement chrétienne. Quels qu'aient été les motifs qui ont poussé des hommes de toutes les opinions, dans la presse, à apporter au Pape l’hommage de leur admiration, cette unanimité révèle un changement heureux, que nous espérons durable. Les efforts d'Albert de Mun et de ses disciples n'ont pas été vains: le temps n'est plus où la politique sectaire élevait une muraille entre le gouvernement français et le Vatican. 

Le jour de sa mort, S.S. Pie XI reposait dans sa pauvre chambre dont les principaux ornements étaient l’image de la Grotte de Lourdes et une statue de Sainte Thérèse de l’Enfant  Jésus; aux mains, un Crucifix et le chapelet du curé d’Ars. Quand le cardinal Verdier vint prier auprès du Pontife, il put reconnaître là un témoignage de plus des liens spirituels qui unissaient Pie XI et la France. 

Si ces liens sont un honneur pour notre patrie, le rapprochement qu'ils ont assuré doit rester, pour l'un des plus grands papes que l'Église ait connus, un titre spécial à la reconnaissance de la Chrétienté. 

François Desgrées du Loû.

[article suivant - Les forces d'ordre]

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article