La conférence de M. Dubois au Treillis-Vert [14/05/1893 - La Dépêche de Brest]

Publié le par La Dépêche de Brest

[publié le 23/06/2023]

[comptes-rendus des conférences - Les anarchistes à Brest - 13/05/1893 - Le Courrier du Finistère]

[La Dépêche de Brest du 14/05/1893 p. 2 - source: site de la Bibliothèque numérique patrimoniale de Brest - transcription] 

CHRONIQUE LOCALE

La conférence de M. Dubois au Treillis-Vert. - Il y avait à peu près autant de monde hier au Treillis-Vert pour la conférence de M. Dubois que l’autre jour pour celle de Meunier; mais la réunion étant organisée par le comité catholique, les adeptes du comité formaient en grande partie l’auditoire; ils n’avaient aucune raison, l’un des leurs étant l’orateur, pour se livrer aux manifestations variées auxquelles ils s’étaient tant amusés mercredi soir, et les républicains qui étaient dans la salle se bornant à regarder et à écouter, ç’a été assez terne comme spectacle. M. Coutance présidait, ayant à ses côtés MM. Bellot de Varenne, Desgrées du Loû et Catch, ce dernier chef contre-maître à l’arsenal.

M. Dubois, conférencier annoncé, a déclaré, tout au début de son discours, qu'il se proposait de développer, à la veille et en vue des élections, le programme du comité catholique Brestois. Ce qu'est ce programme, avons-nous besoin de le dire? M. Dubois a rappelé la parole de Gambetta: “Le cléricalisme, voilà l'ennemi!” Changez la formule; au lieu de “l'ennemi”, lisez: “Le cléricalisme, voilà l'ami dont il faut travailler à assurer le triomphe”, et vous aurez en une ligne tout le discours de M. Dubois. 

Depuis le jour où Gambetta a lancé son cri fameux, la France a semblé vouloir perdre son titre de fille aînée de l'Église, dit M. Dubois, et il parle des francs-maçons, des crucifix, des congrégations religieuses autrefois expulsées, des aumôniers de l'armée qui n'existent plus, des aumôniers de la marine qu'il voudrait plus nombreux, des séminaristes qu'il voit avec peine obligés de faire connaissance avec la caserne, de la loi d'accroissement qu'il déplore plus encore; il cite Voltaire, qu'on ne s'attendait guère avoir paraître en pareille cérémonie; puis, après une tirade sur M. Wilson, sur le Panama, il se demande si la forme de gouvernement est mauvaise. Pas le moins du monde, répond-t-il: qu'importe la forme, pourvu que l'on respecte les lois de Dieu et de l'Église? 

La partie cléricale de l'auditoire applaudit. Que faisaient les catholiques, dit ensuite M. Dubois, pour se défendre contre les sectaires? Une voix répond: - Nous prenions notre oreiller!

Pour démontrer à ses amis qu’un oreiller est une mauvaise arme de combat, M. Dubois leur lit l'encyclique de Léon XIII du 16 février 1892. Le morceau est long, et M. Dubois, pour le mieux faire goûter, le lit lentement, trop lentement peut-être, car l'auditoire ne laisse pas de se fatiguer de cette longue lecture. M. Dubois semble s'en apercevoir; mais il a encore à lire un discours de M. de Mun adressé à la jeunesse catholique et il le lit presque en entier. Il termine en se déclarant républicain catholique et en poussant le triple cri: Dieu, religion, patrie.

On applaudit, on crie: Vive Dubois!

M. Desgrées du Loû, au nom du président, M. Coutance, remercie l’orateur de la conférence qu’il vient de faire “avec une grande clarté”. Il ajoute: “Oui, le comité catholique de Brest accepte la forme du gouvernement”, et, après un mot de réponse aux “personnes qui s’appellent de ce qu’on appelle la volte-face des catholiques”, il propose à l’assemblée le vote d’un ordre du jour, aux termes duquel les 800 catholiques réunis à la salle du Treillis-Vert déclarent accepter les enseignements du pape et être prêts à travailler de leur mieux sur el terrain indiqué par lui. Nul ne réclama sur le chiffre de 800 et l’ordre du jour est adopté.

M. l’abbé Hameury monte ensuite à la tribune. Un intermède se produit alors. A bas le prêtre! crie une voix. Parlera! - Parlera pas! - Il parle enfin, le silence s’étant rétabli. C’est pour protester contre ce mot de Meunier: Les prêtres ne sont pas des hommes. “Nous appartenons, dit l’abbé, à cette famille qui donne ses enfants à la patrie!” - Mais vous n’avez pas d’enfants! crie une voix. L’abbé ajoute que le prêtre aime le peuple et donnera son sang pour lui. Les cléricaux applaudissent; quelques protestations se font entendre.

On voit alors un ancien figurant du théâtre Gaillet, présentement ouvrier à l'hôpital de la marine, nommé Berton, apparaître à la tribune, dont il a, dit-il, parfaitement l'habitude. Il cite le drame de Marceau, en évoque un des personnages et dit qu'il peut y avoir des catholiques républicains et des prêtres républicains. Aussitôt, ravi d'entendre cette bonne parole, l’abbé Hameury serre la main de Berton, puis le prenant par le bras droit, l'embrasse, pendant que de l'autre côté M. Dubois embrasse l'abbé. Berton, tout fier de ce baiser sacerdotal, fait l'éloge de l’abbé, et M. Dubois s'écrie, radieux: “Désormais, le bourgeois et l'ouvrier pourront s'embrasser sur le cœur du prêtre.”

Sur ces mots, et tout émus sans doute d'avoir assisté à la formation de ce vivant symbole, les jeunes cléricaux applaudissent avec vigueur, et la salle se vide. 

Pendant la sortie, M. Desgrées du Loû annonce que la prochaine conférence sera faite par l’abbé Dulong de Rosnay, qui reprendra le sujet de Meunier: Dieu, religion, patrie. 

Impression recueillie à la sortie: - Pas amusante, la réunion ça manque de chahut!

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Réunion anarchiste. - Pendant que M. Dubois discourait au Treillis-Vert, Meunier avait transporté son éloquence dans une salle de l'établissement de Mme Mao, rue Arago. Réunion restreinte d'une centaine de personnes environ, et que Meunier a terminée par le chant de la Carmagnole

[suite des comptes-rendus - Conférence catholique - 20/05/1893 - Le Courrier du Finistère]

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