Gouvernants et partisans [François Desgrées du Loû - 31/01/1937 - Le Ploërmelais]

Publié le par François Desgrées du Loû (1909-1985)

[publié le 20/05/2023]

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[Le Ploërmelais - 31/01/1937 - p.1 - transcription]

Gouvernants et partisans

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Le Front populaire avait organisé à Lyon, dimanche dernier, une manifestation qu'il voulait imposante. Et de fait, la présence de M. Blum et de nombreux ministres autour de M. Herriot lui-même promettait quelques “grands discours”. Nous ne retiendrons que celui du président du Conseil. 

OPTIMISME ET MODÉRATION

M. Léon Blum a parlé, tout le monde s'accorde à le reconnaître, en chef du gouvernement plutôt qu'en militant socialiste. Aussi a-t-il dit un certain nombre de choses que l'opposition aurait pu dire elle-même, car il est certaines vérités premières que tous les gouvernants, fussent-ils révolutionnaires, ne sauraient contester. Notons cependant que le président du Conseil, si prompt à critiquer avec aigreur les Poincaré, les Doumergue, les Flandin et les Laval, est devenu résolument optimiste depuis qu'il détient le pouvoir. 

Cette modération de ton, cette apparente bonne humeur ont séduit certains journalistes qui, toujours prêts à décerner au Front populaire des certificats de bonne conduite, ont coutume de reconnaître aux hommes de gauche la sincérité qu'ils paraissent ignorer trop souvent chez les hommes de droite. Nous nous garderons d'entreprendre un procès de tendances contre M. Léon Blum, de lui attribuer quelque dessein secret et machiavélique. Nous nous contentons d'observer les faits. Et c'est pourquoi même, lorsqu'il arrive au président du conseil de prononcer des paroles modérées, nous refusons nettement, carrément notre confiance au gouvernement actuel et au bloc électoral dont le ministère est l'expression. 

En effet, à Lyon, on n’a pas entendu seulement les discours des personnalités dont M. Herriot se flattait d’être l’hôte et l’ami. On a entendu aussi l’”Internationale”... et cela symbolise le mensonge du Front populaire.

IL FAUT CHOISIR

Ou bien le gouvernement fera une politique sage et vraiment nationale - et cette politique ne peut-être en aucune manière celle des révolutionnaires qui forment le principal élément de sa majorité. Ou bien le gouvernement suivra sa majorité, restera fidèle à sa raison d'être, s'appuiera, comme il l'a fait jusqu'ici, sur l'extrême-gauche socialiste et communiste - et cette politique ne peut pas être une politique française. 

Mais prononcer des discours modérés et chanter l'”Internationale”, faire appel à la confiance et creuser le gouffre dans les finances de l'État, affirmer son attachement à la République et marcher la main dans la main avec les communistes, proclamer son dévouement à tous les Français et obéir aux ordres de la C.G.T., se dire partisan des libertés publiques et brimer les fonctionnaires “suspects” en attendant de porter atteinte aux droits les plus sacrés du citoyen, c'est aller contre le bon sens, et contre la franchise qu’on doit au pays. 

L’ACTION SOCIALO-COMMUNISTE

Or nous ne pouvons oublier que les socialistes et les communistes groupés dans la C.G.T. préparent au gouvernement, dans le Parlement et dans le pays la besogne qu'une dictature rouge pourrait seule, un jour, mener à son terme. Le Front populaire est pour eux - ils ne s'en cachent pas - un moyen d'obtenir mieux encore. 

Des preuves ? En voici de nouvelles. 

Le 9 janvier, dans le Populaire, M. Chatignon, chantant les louanges du gouvernement Blum, écrivait:

“En juin, nous avons 130.000 adhérents environ. Plus de deux cent mille en décembre. 

Nous avons donc gagné plus de soixante-dix mille membres pendant les six mois qui viennent de s'écouler, c'est-à-dire depuis que le nouveau gouvernement de Front populaire à direction socialiste préside aux destinées de notre pays”.

Et le 23 janvier, dans le même journal, M. Raoul Evrard se félicitait “du magnifique et formidable coup d’accélérateur imprimé à la marche vers le Socialisme libérateur”.

Quant aux communistes ils affirment que leur parti compte 284.694 membres au lieu de 81.050, il y a un an (Humanité du 24 décembre). Et ils parlent avec orgueil des “cinq millions de syndiqués fraternellement groupés dans la C.G.T.”.

Ces chiffres, ces textes prouvent suffisamment qu'une minorité dont la patrie est aussi bien la Russie que la France, dont le principe est la lutte des classes, dont les méthodes sont l'action révolutionnaire et plus tard la dictature du prolétariat, travaille sous la protection du gouvernement. Voilà pourquoi non seulement des républicains de gauche comme M. P.-E. Flandin, président de l'Alliance démocratique, mais aussi des radicaux notoires sont dans l'opposition. 

RÉFORMES ET LIBERTÉS

Nous, chrétiens, qui connaissons la doctrine sociale de l'Église et qui voyons tant de misères à soulager, nous comprenons la nécessité de profondes réformes, et nous applaudissons à tout ce qui peut être fait pour obtenir des résultats positifs. Mais quand nous voyons des groupements matérialistes et sectaires s'emparer du pouvoir et menacer une à une les libertés des Français, nous avons le droit de dire que l' œuvre de réconciliation et de justice ne saurait être réalisée par un tel gouvernement. 

François DESGREES DU LOU.

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