D'étranges revendications [François Desgrées du Loû - 17/01/1937 - Le Ploërmelais]

Publié le par François Desgrées du Loû (1909-1985)

[publié le 11/05/2023]

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Une classe en école privée en 1937 (Vern-sur-Seiche)

[Le Ploërmelais - 17/01/1937 - p.1 - transcription]

D'ÉTRANGES REVENDICATIONS

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Nous avons signalé, dans notre dernier numéro, le récent congrès du “Front laïque”. Il n’est pas douteux que, depuis la guerre, l’anticléricalisme recrute. Les religieux, comme les autres, se sont dévoués au service de la France pendant la tourmente. Et les travailleurs se sont rendu compte que bien souvent, à l'apogée du radicalisme, certains hommes de gauche ont employé à lutter contre les libertés religieuses un temps dont ils eussent fait meilleur usage en se préoccupant des questions sociales. Aussi nous garderons-nous de prendre au tragique les revendications ahurissantes de quelques sectaires: le peuple français paraît y être fort indifférent. Mais nous n'ignorons pas que dans notre région, certains comité dits de “défense laïque” cherchent à recruter des militants pour une œuvre de division. C'est pour cette raison que nous tenons à mettre en garde les gens de bon sens contre la folle entreprise du “Front laïque”. 

Nul ne devrait ignorer ce que l'Église a fait pour l'amélioration du sort de ceux qui souffrent, quels qu'ils fussent. C'est elle, et elle seule, qui, par la voix des papes, a rappelé leurs devoirs aux riches aussi bien qu’aux pauvres, aux capitalistes comme aux salariés. Alors que tant de politiciens ne songeaient qu'à résoudre les problèmes du moment présent, des œuvres catholiques naissaient, destinées à sauver de la misère morale et matérielle des générations de Français. En même temps, la liberté de l'enseignement, que Montalembert et le comte de Falloux - deux gloires de l'Église de France - ont conquise après tant d'efforts, permet aux écoles chrétiennes de vivre et de progresser. Et le parlement lui-même, il y a quelques années, a déclaré solennellement que cette liberté précieuse était l'une des lois fondamentales de la République. 

C'est à cette liberté - et à bien d'autres - que le front laïque, réuni, voici quinze jours passés, sous la présidence du chef de la Ligue de l'Enseignement, veut s'attaquer. 

Il y avait là, à ce congrès, des personnalités notables. La Ligue des Droits de l'Homme, la Fédération des libres-penseurs (!) et la Fédération laïque de l'Ouest s'y trouvaient représentées. Et - chose plus grave - le gouvernement aussi, en la personne bien connue du ministre Jean Zay, qui préside à l'Education nationale. 

M. Zay a assuré les congressistes de la sympathie du ministère, un personnage assez obscur a fait le procès des Jésuites (qui en ont vu bien d'autres et ne s'en porteront pas plus mal), et un rapport sur la T.S.F., à laquelle ces messieurs reprochent de transmettre les cérémonies religieuses (sic) a été fort applaudi. 

L'après-midi, on a jugé bon d'entourer le président du congrès de plusieurs assesseurs. M. Delmas, le trop célèbre secrétaire du Syndicat des instituteurs, fut ainsi désigné, avec MM. Zaberowsky, délégué du Grand Orient (voilà qui est net); Moquet, délégué du parti communiste - qui, par ailleurs, “tend la main” aux catholiques; Charles Pivert, socialiste; et Anxionnaz, secrétaire-adjoint du parti radical-socialiste. Un rapport sur l'école fut discuté, et le délégué du Morbihan, M. Rollot, impressionna particulièrement le congrès, dit-on, par son intervention. 

A quoi aboutirent ces palabres ? 

Au vote d'un ordre du jour qui demande, entre autres faveurs: 

D'éliminer de l'enseignement public primaire et primaire supérieur et de l'administration les “antilaïques” (ceci pour les instituteurs qui croient en Dieu et vont à la messe;

- D’abroger la loi Falloux, garantie de la liberté de l'enseignement; 

- D’obtenir “des garanties de laïcité” des candidats aux écoles normales;

- D'intervenir auprès des fonctionnaires pour qu'il n'envoient pas leurs enfants à l'école libre (on prend sans doute les fonctionnaires pour des chiens à mener à la cravache);

- D'empêcher le port illégal du costume religieux; 

- De préparer la nationalisation de l'enseignement (rien de moins!) et d'obtenir “l’interdiction d'ouverture d’écoles libres dans les communes de moins de 3000 habitants. 

Après cela, tirons l'échelle. 

Mais que les très rares exaltés qui seraient tentés d'admettre de telles atteintes à nos libertés sachent à quoi s'en tenir: tant que le régime aura pour base l'égalité devant la loi et le respect des droits de la famille et de l'individu, personne ne pourra s'arrêter à de tels projets. Mais si, par extraordinaire, des politiciens les prenaient à leur compte et cherchaient à supprimer ainsi des libertés sans lesquelles la République ne serait plus qu'un mot, la résistance des hommes libres serait à la mesure de la brutalité des oppresseurs. 

François DESGREES DU LOU.

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