La leçon des faits [François Desgrées du Loû - 20/09/1936 - Le Ploërmelais]

Publié le par François Desgrées du Loû (1909-1985)

[publié le 11/02/2023]

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Conférence de Stresa (avril 1935)

[Le Ploërmelais 20/09/1936 - p.1 - transcription]

La leçon des faits

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Les radicaux-socialistes d’Indre-et-Loire se sont réunis à Tours. L’ordre du jour qu’ils ont voté à l’issue de ce congrès n’est qu’une critique voilée de la politique socialiste. Ainsi le Parti radical, prompt à juger que tout allait de mal en pis quand M. Pierre Laval était au pouvoir, commence à craindre que M. Léon Blum réserve à ses alliés quelques désillusions. Et à l'exemple des sénateurs, les congressistes de gauche multiplient les avertissements; qu’on n’oublie pas la défense nationale; qu'on sauvegarde la neutralité de la France dans les affaires d'Espagne; qu’on tente un rapprochement Franco-Allemand; qu’on rétablisse le “front de Stresa”; qu'on respecte la propriété privée; qu'on assure la paix sociale.

Rien n'est plus sage. Mais ces mots éveillent en nous quelques souvenirs. 

UN PASSÉ RÉCENT.

La défense nationale ? Ce sont les hommes du centre de la droite qui en ont manifesté la constant souci. A l'heure où la démagogie poussait au désarmement total, les “nationaux”, les démocrates, les républicains modérés de toutes nuances veillaient au maintien de nos forces militaires. Qui les combattait ? Les communistes, les socialistes, et - il faut le dire - de nombreux radicaux plus soucieux peut-être de leur réélection que de leur devoir. Ne récriminons pas, s’il est de l'intérêt du pays d'éviter toute discussion passionnée entre Français désireux d'assurer la sécurité de nos frontières. Mais rendons hommage à qui le mérite, et prions les gens de bonne foi de reconnaître que seuls, les partis qui forment l’opposition actuelle ont toujours veillé à la défense nationale. 

La neutralité dans les affaires d'Espagne? C'est la sagesse même. Qui s'y oppose? Qui accepte de risquer le sang du peuple français pour secourir les rouges d'Outre-Monts? La fraction militante de la C.G.T., la masse révolutionnaire à qui le parti radical a bien voulu servir de marche-pied pour la prise du pouvoir. Si jamais la paix était menacée par une intervention directe ou indirecte du gouvernement, nous le devrions à la pression des extrémistes sur M. Blum. Éventualité qui ne se serait jamais produite si le “Front populaire” n'avait pas triomphé. 

Le rapprochement franco-allemand ? C’est chose difficile: on ne cause avec de tels voisins qu’en se tenant sur ses gardes, et, si des conversations s'engagent, nos représentants n'auront jamais trop de sens national et de fermeté diplomatique pour traiter avantageusement. En attendant, ce rapprochement franco-allemand souhaité par tant de radicaux n’a pas d’adversaires plus résolus que les communistes: ceux-ci, nul ne l’ignore, s’y opposent non par patriotisme - le temps n’est pas loin où ils faisaient bon marché de la dignité française -, mais par dévouement aux Soviets que menace l’ambition germanique. Nos radicaux, on le voit, n'aiment guère cette politique d'inspiration russe. Ils auraient pu, du moins, en prévoir les périls avant de tendre la main à MM. Cachin et Thorez… 

Félicitons-les cependant d'avoir préconisé, dimanche dernier, la formation nouvelle du “Front de Stresa”. Ces mots évoquent l’heureux moment où l'on put croire que le blog franco-anglo-italien tiendrait en respect les perturbateurs de l'Europe. 

Mais là encore, quels souvenirs viennent à notre mémoire? Qui gouvernait la France à cette époque ? Un ministère d'union nationale, combattu à l'extrême-droite et combattu plus encore à l'extrême gauche. Quel ministre forma le dessein de rapprocher la France et l'Italie, et chercha, malgré la guerre d'Éthiopie, le moyen de concilier, avec le respect des traités, l’amitié franco-italienne? M. Pierre Laval. Quel parti provoqua la chute de M. Pierre Laval? Le parti radical-socialiste. Nous ne pensons pas que le sort de la France dépende du sort d’un chef de Gouvernement, mais nous sommes bien obligés de constater que la politique du ministère Laval s’imposait. Les radicaux le soupçonnent peut-être. Ne leur en demandons pas plus.

OU SONT LES FACTIEUX?

Ou mieux: demandons-leur ce qu’ils pensent de la politique intérieure. La réponse est nette: propriété privée et paix sociale doivent être sauvegardées, et les ministres radicaux méritent, paraît-il, les félicitations de leurs amis pour avoir défendu ses principes dans les conseils du gouvernement.

On ne saurait mieux dire que la propriété privée et la paix sociale étaient menacées par les occupations d'usines, et que les factieux trouvaient des complices à l'intérieur du ministère. Les radicaux s'en aperçoivent: mieux vaut tard que jamais... 

LES RESPONSABLES.

Voilà donc un parti de gauche qui reprend à son compte les principales critiques de l’opposition; qui reconnaît les périls d’une politique étrangère inspirée par les agents de la Russie rouge; qui traite l’Italie comme l’Angleterre en nation amie; qui, à l’intérieur, réclame l’apaisement et proteste contre les violations de la propriété et de la liberté. Mais c’est le même parti qui, l’an dernier, adhérait au Front populaire et, cette année, engageait la bataille électorale aux côtés du parti communiste et de la C.G.T…

Si bientôt les responsables de ces erreurs se décident à choisir entre les libertés françaises et la dictature rouge, ce sera tant mieux pour le pays. Mais il fallait rappeler à nos compatriotes, un passé tout récent: l’ingérence étrangère dans la politique gouvernementale et les tentatives de révolution que l’extrême-gauche multiplie depuis quelques mois ne menaceraient pas notre sécurité si des politiciens aveugles n’avaient pas prêté leur concours au Front populaire.

Le jour où l'union s'imposera pour rétablir l'ordre, réformer l'État et - ce que les radicaux oublient trop souvent - résoudre suivant les principes de justice et de charité les douloureux conflits du travail, on comprendra, nous voulons l'espérer, que si le parti radical veut bien collaborer à cette action, il ne doit pas la diriger seul. Souhaitons-lui de trouver une leçon dans les conséquences cruelles de sa démagogie électorale, et félicitons les “modérés” de n'avoir pas à se contredire pour tenir aujourd'hui le langage du patriotisme et du bon sens. 

Mais demandons a tous d'oublier préjugés et querelles et de comprendre les besoins du peuple tout entier pour donner bientôt à la France le gouvernement qu'elle mérite. 

François DESGREES DU LOU.

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