Dialogue ou bataille? [François Desgrées du Loû - 04/07/1961 - Ouest-France]

Publié le par François Desgrées du Loû (1909-1985)

[publié le 12/10/2020]

Manfestation paysanne en Dordogne en solidarité avec les paysans bretons (1961)

[retranscription]

DIALOGUE OU BATAILLE?

par François DESGREES DU LOU

Nous avons rappelé à plusieurs reprises dans ces colonnes les sujets d’inquiétude dont l’agitation actuelle manifeste la gravité. Nous avons notamment insisté, à propos des manifestations paysannes, sur le sort injuste fait à de nombreux exploitants et sur l’angoisse qu’éprouvent les plus modestes d’entre eux à la pensée qu’un jour, en dépit de leur travail et de leur volonté, ils pourraient être sacrifiés à une économie implacable.

Ce n’est donc pas sans raison que çà et là, devant les insuffisances d’une politique hésitante, on proteste et on s’inquiète.

Mais si l’on s’inquiète, c’est parce que l’on désire sauver un ensemble de libertés que les neuf dixièmes des Français, à commencer par nos compatriotes cultivateurs, considèrent comme indispensables.

Or les états totalitaires, dont le but est de supprimer ces libertés, comptent sur l’abaissement de notre sens civique et patriotique pour jouer à coup sûr, dans un climat orageux, de la propagande et de l’intimidation. La prolongation du désordre accroît leurs chances: tant que de vastes manifestations se sont bornées, comme cela a été le cas dans la plus grande partie de notre région, à donner l’alerte, on a abouti à un résultat positif; à partir du moment où dans toutes les régions de France se multiplient les mouvements de foule et où des groupements de toutes sortes en font un moyen d’opposition politique, l’affaire se dégrade et l’on risque l’anarchie.

Notons bien qu’il y a à l’origine de tout cela un autre genre de désordre. Lisez la presse française, la presse britannique, la presse allemande de l’Ouest, et vous en conclurez facilement que tout va mal dans les nations libres, simplement parce que chacun, dans un climat de liberté, peut s’exprimer comme il l’entend. Lisez la presse allemande de l’Est et la Pravda de Moscou, et vous en conclurez qu’à l’Est tout va pour le mieux, simplement parce que l’opposition y est muette. Et pourtant, pendant ce temps, des familles entières prouvent chaque jour, en passant de Berlin-Est à Berlin-Ouest, que les hommes préfèrent quitter le pays où tout semble aller bien pour se rendre dans le pays où tout semble aller mal.

N’y a-t-il pas là une leçon? Voilà pourquoi nous croyons salutaire d’avertir le gouvernement, mais criminel d’ébranler le pouvoir. Il est toujours facile de se tailler un succès en lançant un pamphlet contre l’autorité… mais pour quel résultat? Le raidissement de Moscou, l’exigence grandissante du F.L.N. montrent déjà à qui profite le désordre.la plupart des Français penseront comme nous et comme les foules de Lorraine et d’Alsace qu’entre gouvernants et gouvernés il peut y avoir dialogue et non bataille.

 

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