Décolonisation! Oui, mais partout [François Desgrées du Loû - 07/06/1961 - Ouest-France]

Publié le par François Desgrées du Loû (1909-1985)

[publié le 06/09/2020]

[retranscription]

 

DECOLONISATION!

Oui, mais partout

 

par François DESGREES DU LOU

 

Le trouble des esprits et la propagande aidant, il s’est trouvé que les spécialistes de la guerre subversive ont lié l’idée de décolonisation à cette interminable “guerre froide” où excellent la Chine “populaire” et la Russie soviétique.

L’Occident a pris militairement ses précautions, qui étaient sans nul doute indispensables. A-t-il assez hardiment profité - la France la première - de l’occasion que lui donne l’affaire de Berlin de mettre les choses au point à la face du monde entier?

Il ne le semble pas. Et pourtant, si la “décolonisation” est le mot du jour, si elle s’impose, de toute évidence, en Afrique comme en Asie, n’en faut-il pas parler sous aucun prétexte en Europe? Y a-t-il, selon la longitude et la latitude, une zone où la colonisation est populaire et l’autodétermination capitaliste?

Nous nous demandons s’il n’est pas possible, sans jeter de l’huile sur le feu, d’exprimer des vérités qui portent en elles leur force. Nous croyons que l’Occident a bien fait de renoncer à la voie de l’impérialisme, mais qu’il est en droit désormais d’y convier ses rivaux.

Dans nos villes flottaient hier et flotteront demain les drapeaux des nouvelles nations africaines. De leur côté, nos interlocuteurs algériens sont assurés de l’autodétermination, certains d’entre eux n’hésitent pas même à en faire une prédétermination en leur faveur. Et pendant ce temps, Berlin et l’Allemagne de l’Est apparaissent comme matière à découpage, comme monnaie humaine d’échanges diplomatiques, comme expérience de néo-colonisation. On comprend que de Gaulle et Kennedy se sentent peu de goût pour ce style de négociation, héritage des impérialismes d’hier brigué par les impérialismes de demain.

Ce n’est insulter, ni menacer personne que de le dire: l’indépendance, nécessité pour les uns, n’est pas un luxe pour les autres. La fiction serait trop commode. Si la politique étrangère n’est pas, une fois pour toutes, soumise à la loi du plus fort et seulement à celle-là, si la coexistence suppose la discussion, si le droit est autre chose qu’un jeu de formules inapplicables, il faudra bien un jour poser la question de l’autodétermination généralisée dans un monde où les frontières s’élèvent et s’effondrent à chaque instant. L’essentiel est que les choix ne se fassent pas le revolver sur la nuque et si l’O.N.U. a une utilité ce pourrait être celle, honorable et irremplaçable, de tremplin de la liberté, à l’heure des grandes options.il y aurait peut-être là, pour l’avenir, une chance d’apaisement.

 

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