Carnet de souvenirs de Sophie Bertaud - Voyage en Russie - de Paris à Sarrebruck [I/VI]

Publié le par Sophie Bertaud (1793-1829), retranscrit par Sophie Piédevache (1844-1923)

[publié le 15/03/2020]

[Retranscription d'un carnet composé de souvenirs du voyage de Sophie Bertaud et de sa tante Adèle Canel, future Mme de Tepper, de Paris à Saint-Petersbourg - apparemment retranscrits par Sophie Piédevache, ép. Hamonno, et contenant également comptes et croquis liés au voyage de Sophie Bertaud (et donc peut-être de sa main) - Certaines entrées sont additionnées de notes d'Olga Baird-Yatsenko (O.B.), historienne d'art spécialiste de l'époque, qui a notamment écrit plusieurs articles sur Sophie Bertaud ]

I - de Paris à Sarrebruck

II - de Sarrebruck à Leipzig - Francfort

III - de Potsdam à la Courlande

IV - premières impressions de la société russe,  notes et adresses

V - Croquis, conseils techniques et brouillon de lettre de recommandation

VI - Comptes, croquis et brouillon de lettre de demande de logement

[retranscription]

Voyage de gd mère Sophie Chéradame en Russie - laissant ma mère qui avait 2 ans ½ aux soins de B.M. Canel (Emilie) tante de ma gd mère- sa tante Adèle Canel sœur du Général devenu Mme de Tepper


 

La barrière de l'Etoile en 1819

Enfin il est fait et exécuté ce cruel sacrifice mais qu’il m’en a coûté et comme mon âme était brisée et je puis exprimer combien j’ai souffert.... C’est le 15 mai 1823 qu’à onze heures du matin j’ai donné à ma fille le baiser d’adieu; ennuyée de ne pas voir arriver chez moi ma bonne Émilie, ma tante et moi avons décidé de nous mettre en fiacre et d’attendre au coin d’une rue près de ma maison le billet qui devait nous annoncer que les chevaux nous attendaient à la barrière de l’Étoile à une heure et demi nous avons quitté ce logis, ce lieu qui renferme tout ce qui m’attache à la vie…

Le temps étant frais et la campagne charmante que peu à peu mes idées deviennent plus douces que dans Paris. Grâce à l’Être suprême, tout ce que je lui demandais c’était le courage et il m’en a donné, alors l’espérance est revenue dans mon cœur, la journée s’est passée sans la moindre fatigue, et le soir à onze heures nous avons trouvé à Château Thiéry une jolie petite chambre bien propre et de bons lits -

le 16 nous sommes montés en voiture à neuf heures et nous nous acheminâmes par le temps le plus charmant vers Épernay, arrivées là nous nous pensons qu’à trois quart de lieue existe un petit village nommé Cry [peut-être Cuis ou Oiry? - ndlr] où notre grand père avait eu un bien vignoble assez considérable, ma bonne mère m’en avait parlé souvent et même elle se rappelait avec un plaisir extrême un séjour qu’elle y fit dans son enfance, il nous vint à l’esprit d’aller visiter ce lieu; dans certains moments de la vie la moindre chose fait du bien à l’âme et nous avions besoin de lui porter secours de suite. Nous demandons une voiture, en un moment nous avons à la porte ce que j’appelle un tape chose, c’était bien terriblement dur mais cela nous fit rire et par conséquent du bien.

[Mr Wonard?] avait à faire chez un propriétaire habitant ce même petit village. Mr Lutin est un gros homme d’une quarantaine d’années possédant vingt ou trente mille livres de rentes; on murmure dans nos villes et on crie contre le luxe on dit qu’il gagne toutes les [classes?] Qu’on vienne voir Mr L. et bien d’autres aussi et l’on verra que le luxe n’existe que dans la capitale. Je n’avais pas l’esprit tourné vers la plaisanterie mais cependant certain bonnet de coton que portait notre hôte ne sortira pas de ma mémoire. Il avait une tournure toute particulière; il nous fit accepter un verre de vin de champagne qui nous fit le plus grand plaisir. J’avoue que c’est mon faible d’aimer ce vin. Après cette visite nous allâmes à notre but mais au lieu d’anciens bâtiments comme nous l’avait dépeint ma mère, nous trouvâmes une belle maison neuve bâtie par Mr Colin de [sucère?]  [A Cry près d'Epernay, en effet est enregistrée une famille héréditaire de vignerons Colin (Collin). - note O.E.] mais nous savions cela et la vue de l’emplacement nous fit encore plaisir; après nous revînmes

trouver notre dîner à Épernay et mon cousin nous fit encore boire force vin de champagne - cependant nous nous arrêtames à temps afin de pouvoir monter en voiture pour aller coucher à Chalons, là je me rappelai que j’avais passé deux nuits avec maman en revenant des Rosiers et je fis en sorte d’aller coucher dans le même hôtel où nous trouvâmes de même un très bon lit; j’oubliais de dire qu’à la porte de l’hôtel le cheval s’abattit ce qui n’est point une plaisanterie en chaise de poste mais nous descendîmes promptement et il n’y eut pas le moindre mal; la nuit fut très bonne et le samedi à dix heures nous poursuivîmes notre route; la seule chose remarquable de la journée fut un déjeuner au bord d’un ruisseau et à l’ombre de jolis peupliers, là je fis un petit crayon qui pourra toujours me rappeler l’aspect de ce joli coin; c’était cependant au milieu de la Champagne pouilleuse.

Croquis du journal - peut-être celui de la Champagne pouilleuse?

Le soir à huit heures nous arrivâmes à Verdun, petite ville passablement jolie où le principal commerce se fait en bonbons. Le lendemain Dimanche nous y passâmes la journée, le lundi aussi et le mardi à huit heures nous fîmes le chemin jusqu’à Metz M dans une bonne berline, rien encore de remarquable sinon des [terres délicieuses?] des prairies superbes avec beaucoup de bestiaux ce qui anime le paysage; l’aspect de M est très agréable, nous y sommes restées un jour entier. Nous avons été voir la promenade qui est vraiment très belle, la ville est très vivante, le jeudi nous sommes montées en diligence pour la première fois avec dix voyageurs, cette journée a été fatiguante [sic] et ce jour j’ai souffert; le soir nous sommes arrivées à Sarrebruck petite ville d’Allemagne assez jolie.

[suite du carnet: de Sarrebruck à Leipzig - Francfort]

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