Sur la Foi et l'Eglise [François Desgrées du Loû]

Publié le par François Desgrées du Loû (1909-1985)

[publié le 26/04/2018]

[tapuscrit]

 

 

[Avril 1978 - note manuscrite FDL]

 

On peut croire en Jésus-Christ parce qu'on croit en Dieu. C'est le cas d'un bon nombre de penseurs qui ont trouvé dans la vie et dans les paroles du Christ, dans l'histoire de son Eglise et dans les réponses du christianisme aux questions posées par l'homme sur sa destinée assez de signes concordants pour admettre que l’Être dont nous dépendons s'est engagé dans cette incomparable révélation.

 

On peut aller du Christ à Dieu. C'est le cas de ceux qui ont été conquis par la personne de Jésus et par la lumière qui en émane au point de percevoir en Lui l'image et la réalité du Père dont Il s'est affirmé l'envoyé pour notre salut.

 

On peut aussi, mais c'est exceptionnel, recevoir sans l'avoir cherchée l'illumination de la foi. Privilège accordé à quelques âmes, généralement à des agnostiques ou à des athées, tout au moins à des non chrétiens, qui n'étaient pas préparés à cette rencontre. Le Juif Ratisbonne dans l'église Sant'Andrea della Fratte à Rome, Paul Claudel dans un bas côté de l'église Notre-Dame, André Frossard dans une chapelle, sont devenus d'un coup catholiques, comme s’ils avaient vu l'invisible. Cette étrange faveur peut surprendre. Sans doute leur a-t-elle été donnée non seulement pour eux, mais pour les autres dans la mesure où elle témoigne de l'irruption du divin dans une vie d'homme.

 

Nous avons reçu de l'enseignement de l'Église, mais notre raison exige souvent une réflexion approfondie. Cela n'exclut pas que certains esprits adhèrent assez fortement au christianisme pour ne pas le remettre en question: de fait une humble paysanne qui dit son chapelet en sait parfois autant qu'un philosophe, car les calculs de Dieu ne sont pas les nôtres. Mais pour la plupart d'entre nous survient un temps de vérification où la foi se propose sans s'imposer. Cette foi doit être raisonnable, mais elle n'est pas fondée sur une théorie intellectuelle: elle est réponse à ce qu'un examen honnête nous permet de considérer comme une révélation; elle est adhésion à une Personne en qui nous avons confiance. Il est d'autant plus important de savoir que les témoignages des évangélistes et des premiers apôtres sont dignes de foi [Mgr de Solages a fait observer que si ce que nous connaissons des grands hommes de l'Antiquité provient de documents de très loin postérieurs à leur vie, les documents sur Jésus nous viennent des plus proches témoins et de ceux qui ont reçu leurs enseignements. - note de bas de page], de connaître les débuts de l’Église, d'enregistrer sur le plan historique l’œuvre des saints et les miracles qui l'ont accompagnée. Nous n'avons pas à admettre des fables, même si elles sont belles. Seul le réel nous importe, mais tout le réel et pas seulement le visible. La foi ne peut craindre ni la raison ni l'histoire.

 

J'ai rappelé que les voies pour croire étaient diverses. Ce qu'il faut admettre, c'est que nous ne pouvons tout savoir: il faut faire sa part au mystère. Mais ces voies aboutissent au même résultat, qu’il s’agisse d’un Bergson qui y est parvenu par la démarche de sa pensée philosophique, ou de n'importe lequel d'entre nous. Ajoutons que si la raison joue son rôle, le cœur et l'intuition sont aussi des moyens de connaissance. Dieu dans sa justice et son amour n'a pas réservé le Vrai à un petit lot d'intellectuels. La confiance est au point de départ.


 

Si l'aboutissement est le christianisme - qui contient en lui-même toutes les beautés éparses dans les autres religions - alors apparaît la logique de la foi. C'est là que surgissent les contestations, car cette logique et exigeante et il ne manque pas de gens de bonne foi pour accepter Jésus-Christ et récuser l’Église.

 

Le fait de l'Eglise

 

Or on ne peut contester que Jésus ait fondé l'Église: “Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église... Pais mes agneaux, pais mes brebis... Allez, de toutes les nations faites des disciples... Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez... Qui vous écoute m'écoute... Tout ce que tu délieras sur terre sera délié dans les cieux... Je serai avec vous jusqu'à la consommation des temps.” Et pour l'Eucharistie: “Faites cela en mémoire de moi... Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang aura la vie en lui.” À quoi il faut ajouter la prédiction des persécutions, celle de la ruine de Jérusalem, et aussi: “Mes paroles ne passeront pas.”

 

Les apôtres ont eu des successeurs. Toute l'histoire des premières générations chrétiennes l’atteste, de Saint Clément de Rome (dernière année du Ier siècle, donc une soixantaine d'années après la mort et la résurrection du Christ) à Saint Cyprien (milieu du IIIe siècle), en passant par Saint Ignace d'Antioche (fin du Ier siècle), Saint Polycarpe, évêque et martyr (un peu après) et Saint Irénée. Ainsi a été fondé l'épiscopat qui existe aujourd'hui. Malgré la croyance de nombreux disciples à l'imminence de la fin du monde, deux siècles de persécutions ont passé sans ébranler la foi des martyrs. Pendant ce temps s'affirmait la solidité des institutions de l’Église: le rôle des évêques et leur combat contre tout ce qui pouvait déformer l'héritage de l'Évangile, la primauté de l'évêque de Rome, successeur de saint Pierre, à qui recouraient ses frères d'Orient et d'Occident pour mettre fin aux controverses. Cet extraordinaire développement s’est fait dans la fidélité.

 

Si nous admettons que selon la promesse du Sauveur l'assistance de l'Esprit n'a pas fait défaut, il s'ensuit que les enseignements continus et concordants de ceux qui ont été désignés pour répondre aux questions de plus en plus nombreuses posées en fait de foi et de morale ne peuvent être considérés comme de simples opinions: ils apportent la lumière dont tout fidèle a besoin, et que Dieu ne lui refuse pas. C'est à Dieu qu'on obéit alors, non à des hommes. C'est pour cette raison que des hommes de bonne foi, avertis par un Pape ou par un Concile des erreurs qu’ils commettaient, se sont soumis. Ils étaient plus assurés d'aller au vrai par l'obéissance à l’Église que par la révolte de leur sens propre.

 

Il faut noter à ce propos que la proclamation des dogmes, la condamnation des hérésies, les avertissements dans les domaines divers de la justice sociale, de la sexualité, de la paix entre les nations, de la loyauté dans les rapports commerciaux et juridiques, ont laissé intacte la liberté de chacun pour tout ce qui n'est pas exigé par la loi naturelle et l'Évangile. Le chrétien n’est un gêneur que pour les puissances totalitaires et les corrupteurs. La foi est maîtresse de son comportement. Qu'y a-t-il de plus simple que le credo de Paul VI ?

 

Les infidélités

 

Je ne conteste pas - c'est une objection courante - que le visage maternel de notre Eglise a été souvent défiguré. Des hommes d’Église se sont conduits en complices des puissances de ce monde, songeant plus à leurs intérêts ou à leur gloire qu’à leur mission. Des Papes ont été indignes. Catholiques et protestants se sont massacrés. Tout cela est vrai, mais appelle quelques remarques.

 

Tout d'abord, l’Église est composée d'hommes. Le Christ ne l’a pas annoncée exempte du péché. Il ne lui a promis que de ne pas se tromper dans la transmission du dépôt immuable de la foi. En compensation des abus et des scandales, chaque époque troublée a connu l'exemple des saints, hommes et femmes, qui n'ont été qu’amour pour Dieu et pour leurs frères. Ce sont ceux-là qui ont été canonisés, et eux seuls.

 

Les Papes les plus indignes n'ont jamais enseigné contrairement aux vérités de l'Évangile. Il est remarquable que leur conduite scandaleuse les ait laissés exempts d'erreurs doctrinales.

 

De plus, au moment où le protestantisme se répandait en réaction aux abus des hommes d'Église est où la Renaissance menaçait d'acclimater un nouveau paganisme, le Concile de Trente a réalisé la réforme au sein de l'Église. Depuis cette époque, comme si la Providence avait voulu adapter cette église rénovée aux exigences des temps modernes, les Papes ont été sans reproche, le clergé est redevenu sain, les fondations d'ordres se sont multipliées, la Révolution a été suivie d'un renouveau chrétien, et l'apparition de la civilisation industrielle au siècle dernier a donné lieu à l'affirmation de la doctrine sociale de l'Église.

 

Si les catholiques n'ont pas toujours été à la hauteur de leur mission, nous pouvons en accuser la faiblesse humaine, non pas le magistère de l’Église dont les avertissements se sont fait de plus en plus pressant de Vatican I à Vatican II.

 

Cet exposé est sommaire. Je voulais seulement insister sur la continuité historique qui relie la doctrine catholique au message du Fondateur: Jésus-Christ.

 

------------

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article