Deux ans après [François Desgrées du Loû - 26/06/1938 - Le Ploërmelais]

Publié le par François Desgrées du Loû (1909-1985)

[publié le 02/11/2023]

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[Le Ploërmelais - 26/06/1938 - p.1 - transcription]

DEUX ANS APRÈS

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Communistes et Socialistes peuvent chanter la pérennité du bloc des gauches: ils n’empêcheront personne de constater que deux ans et un mois après les élections de Mai 1936, nos gouvernants, ont bel et bien abandonné la politique du Front Populaire.

LES QUESTIONS OUVRIÈRES

Il ne s’agit pas ici de réformes sociales dont tous les partis ont reconnu la nécessité. Ces réformes étaient au programme de ceux qui ont appelé les Catholiques sociaux, et si elles n’ont pas été plutôt réalisées, c’est pour la raison très simple que le pouvoir n’a jamais été détenu en France par les disciples d’Albert de Mun, de Léon Harmel et de la Tour du Pin. Le jour où un gouvernement a enfin entrepris quelque chose dans ce sens, aucun esprit juste ne s’y est opposé.

La malchance a voulu que des lois bonnes dans leur principe fussent appliquées dans un esprit de lutte; que M. Blum, au lieu de respecter la liberté et l’égalité syndicales, cédât à la C.G.T. et instituât un syndicalisme officiel digne d’un régime de dictature; que les travailleurs subissent, souvent de Force, l’autorité des meneurs les plus suspects.

Nombreux sont maintenant - même à gauche - ceux qui le reconnaissent. Les hommes politiques s’emploient à célébrer la beauté du travail, à mettre en garde la classe ouvrière contre des excès dont elle serait, nul n’en doute, l’une des victimes. Tout cela est vrai, mais il eût mieux valu faire soigneusement les lois et les appliquer impartialement. L’esprit du Front populaire a compromis une œuvre qui aurait pu être bonne te comporter moins de grèves, moins de violences, moins d’incompréhension de part et d’autre.

LA FRANCE ET L’EUROPE

La politique extérieure, faillite plus retentissante encore.

Les communistes, serviteurs d’une puissance étrangère, ont été considérés par les radicaux comme des alliés possibles. Ils sont devenus aussitôt la principale force du Front Populaire: qui ne se souvient des congrès tapageurs et des “défilés monstres” d'il y a deux ans?... Alors on a pu croire en France, et malheureusement aussi à l'étranger, que la politique de l'extrême-gauche allait devenir celle de la République. Erreur scandaleuse, d'ailleurs, entretenue par les hommes de Moscou, et utilisée comme prétexte par l'Allemagne et ses valets. Les Français se traitèrent mutuellement de moscovites, de fascistes ou d’hitlériens. On vit des pacifistes d'extrême-gauche devenir “chauvins”, et faire peu de cas, semblait-il, du sang français, du moment qu'il s'agissait de le verser pour la Révolution. On vit des nationalistes d'extrême-droite, critiquer le gouvernement en des termes que les ennemis de notre pays s’empressaient d'utiliser contre la France elle-même. 

L'Allemagne, bien entendu, profite largement de l’apparente faiblesse de notre pays. Il fallut le vol de l'Autriche pour que la réalité fût connue. 

Un mouvement d'union se produisit, et aboutit enfin à la constitution du ministère actuel, qu'on peut juger à l'imparfait, mais qui a modifié la politique extérieure de la France dans la mesure où il le fallait. 

Il l’a modifiée, en effet, par son désir d'arriver à un accord avec l'Italie, par son attitude moins boudeuse à l'égard de l'Espagne nationaliste, par son entente parfaite avec l’Angleterre, par sa volonté de tenir tête aux prétentions allemandes sans lier pour autant sa cause à celle des Internationales. Car une politique de sagesse, soutenue par une bonne armée et de solides alliances, vaut mieux qu'une politique provocante et partisane, nous l'avons bien vu quand la France et l'Angleterre ont obligé l'Allemagne à renoncer, du moins pour l'instant, un coup de force en Tchécoslovaquie. 

Si nous ajoutons qu'un accord est réalisé au comité de non-intervention, accord auquel la France a été heureuse de souscrire, et dont le journal soviétique “l'Humanité” se plaint en termes amers, nous en concluerons que MM. Daladier et Georges Bonnet répondent mieux, par leurs actes, aux vœux du centre qu'à ceux de l'extrême gauche. 

DANS LES MASSES POPULAIRES

Les élections, d'ailleurs, indiquent la désagrégation du Front Populaire. Deux radicaux, récemment, ont été élus contre des socialistes avec les voix des modérés. Et à Saint-Étienne, M. Raymond Laurent, démocrate, a battu le candidat communiste grâce à l’appoint de nombreux électeurs classés “à gauche” qui se sont unis à leurs anciens adversaires de droite et aux “modérés” de toutes nuances pour envoyer à la chambre le sympathique défenseur d'une politique sage et vraiment française. 

Les constatations sont réconfortantes, car il est vraisemblable que ces résultats significatifs correspondent à un mouvement réel, et indiquent un retour à ce bon sens traditionnel, où la France trouve tant de force.

François DESGREES DU LOU.

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