Le ministère Sarraut [François Desgrées du Loû - 02/02/1936 - Le Ploërmelais]
[publié le 15/06/2022]
[article précédent - A propos d'un bel article]
/image%2F1695346%2F20220615%2Fob_009037_gouvernement-sarraut.jpg)
[Le Ploërmelais - 02/02/1936 - p.1 - transcription]
Le ministère SARRAUT
----------
“Camouflage”, écrit fort justement M. Paul Simon, député du Finistère, au sujet du cabinet Sarraut. de fait, si M. Flandin, modéré, dirige les Affaires Étrangères, et si M. Régnier est aux Finances, la présence de MM. Jean Lay [Zay? - ndlr], Delbos, Déat, Guernut, dans les conseils du Gouvernement, est beaucoup plus significative. Les adversaires de M. Pierre Laval, craignant à juste titre les réactions que peut susciter leur sectarisme, voudraient faire partager aux républicains d'union nationale, les responsabilités du pouvoir à la veille des élections, tout en conservant pour eux-mêmes, les avantages qu'ils désiraient tant: autorité sur les préfets et les candidats, par le ministère de l'Intérieur; influence sur les écoles et entente avec les instituteurs rouges par le ministère de l'Éducation Nationale; peut-être même influence sur les magistrats par le ministère de la Justice.
incohérence, pouvons-nous ajouter. Les socialistes, de peur de voir M. Pierre Laval reprendre le pouvoir, favoriseront un ministère à figure M. Nicolle, personnage assez représentatif de ces milieux conservateurs du Nord, que les révolutionnaires haïssent vigoureusement. M. Yvon Delbos, qui attaquait, le 27 décembre, en un discours sensationnel, la politique extérieure de M. Pierre Laval, se trouve subitement d'accord avec M. Thellier, qui défendait à la même date, en un discours non moins sensationnel, cette même politique. M. Jean Lay, type du “Jeune Turc” radical, sectaire et démagogue, partisan déterminé du Front populaire et ami fidèle des révolutionnaires, se trouve, lui, d’accord avec M. Sarraut, qui paraphrasa la trop célèbre phrase de Gambetta, en s’écriant un jour: “Le communisme, voilà l’ennemi!”.
Enfin, et ce n'est pas l'aspect le moins comique de ce gouvernement, M. Flandin, qui a proclamé son intention de continuer au Quai d'Orsay la politique de M. Pierre Laval, donne, paraît-il, toute satisfaction aux radicaux d'extrême-gauche, dont l'ambition était justement d'imposer à la France, une attitude différente.
Dans l'ensemble, les parlementaires de droite et du centre, parmi lesquels nous citerons MM. Pernot et Champetier de Ribes, ont refusé de s'embarquer avec un équipage aussi singulier. C'était la seule réponse logique et raisonnable aux propositions pressantes de M. Sarraut. La France, dont les députés d'extrême-gauche, négligent trop cyniquement les intérêts et les besoins, ne comprendra pas qu'on prétende à la fois écouter M. Pierre Laval et suivre l'exemple du cabinet démissionnaire: ou bien les radicaux-socialistes jugeaient dangereuse pour le pays la politique de M. Pierre Laval, et, s'ils la continuent, ils reconnaissent trop tard s'être trompés et rendent ainsi un hommage - bien involontaire - à celui qu’ils ont si violemment combattu. Ou bien, ils savaient que M. Pierre Laval avait raison et, en l'obligeant à démissionner malgré la confiance maintes fois exprimée du parlement, ils ont fait preuve de la plus flagrante mauvaise foi.
Que faut-il conclure de tout cela, sinon que les cartellistes n'ont pas changé et qu'il leur faut toujours tout les places pour être satisfaits ? Il reste que le parti radical porte la responsabilité d'avoir renversé un gouvernement actif et bienfaisant, pour lui substituer un ministère bigarré, sans prestige et sans autorité.
Sans doute, les élections approchent et M. Sarraut ne peut s'attendre à des succès brillants et durables. Mais la France [sic]
Félicitons les patriotes de toutes nuances qui siègent à la Chambre, d'avoir conservé leur indépendance, et de s'être tenus à l'écart des “combines” ministérielles.
François DESGREES DU LOU.