Encore le “front populaire”! [François Desgrées du Loû - 12/01/1936 - Le Ploërmelais]

Publié le par François Desgrées du Loû (1909-1985)

[publié le 10/05/2022]

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[réponse de Georges Hoog à François Desgrées du Loû et au Ploërmelais [La Jeune-République]]

Manifestation du 14 Juillet 1935
 

[Le Ploërmelais - 12/01/1936 - p.1 - transcription]

Encore le “front populaire”!

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La direction du Ploërmelais me communique une seconde lettre du secrétaire général de la Jeune République, et par souci de loyauté nous la publions, mais en répondant sur chaque point pour ne pas infliger à nos lecteurs une trop longue discussion. 

La voici donc: 

“Monsieur le Directeur,

Les commentaires dont vous avez fait suivre ma lettre m'obligent à vous écrire cette nouvelle lettre. 

Je répète d'abord - et toutes les dénégations que peut inspirer l'esprit de parti ne prévaudront pas contre cette loyale affirmation - que la Jeune-République ne participera jamais à une formation, quelle qu'elle soit, dont le caractère serait antireligieux. On peut nous faire injure en soutenant le contraire. Mais ainsi on fait surtout injure à la vérité. 

Certes, cela ne saurait nous empêcher de collaborer pour la défense de la paix et des libertés républicaines, avec des hommes non religieux, à condition qu'ils respectent les forces morales et spirituelles.” 

Ici, nous arrêtons M. Georges Hoog. J'ai visité moi-même, à Paris, l'exposition de presse du front populaire et j'y ai trouvé non seulement la JEUNE-REPUBLIQUE et les journaux de ses alliés, mais aussi des brochures et des journaux du plus abject anticléricalisme, où le blasphème et l’injure paraissent choses normales. Si je ne les cite pas, c'est par souci d'être bref. Mais est-ce là le respect des FORCES MORALES ET SPIRITUELLES? 

M. Hoog continue:

“Mais en vérité, est-ce vous, M. Le Directeur, qui allez nous reprocher de telles collaborations. Vous parlez de “francs-maçons notoires” qui participent au Rassemblement populaire. Vous osez écrire plus loin - ce qui est faux - qu’aux dernières élections municipales, les candidats les plus sectaires ont obtenu l’appui de la “Jeune-République”. Et vous avez l’imprudence d’évoquer le souvenir des élections à Rennes.

Or, justement, dans ces élections des francs-maçons notoires n’ont-ils pas fait liste commune avec des catholiques conservateurs?... La religion, la morale, la famille et la patrie ne seraient-elles donc mises en péril, par ces collaborations que lorsque celles-ci s’établissent au service des libertés républicaines, du progrès social et de la collaboration internationale?... Je fais appel, M. le Directeur, à votre esprit de justice, et, plus simplement encore, à votre souci de logique.”

M. Georges Hoog ne paraît guère au courant des élections de Rennes. Si les radicaux-socialistes, dont le passé est évidemment anticlérical, se sont unis à des modérés, si des catholiques ont poussé l'abnégation jusqu'à voter pour des gens qui les avaient souvent attaqués, c'était justement POUR INAUGURER UNE POLITIQUE D’APAISEMENT, et c'est cette politique d'apaisement que la liste rouge, chère à la Jeune-République ne voulait pas admettre. 

Reprenons la lettre de M. Hoog. 

“Vous nous objectez que, dans le Rassemblement populaire, il y a des marxistes. Certes, mais ce n'est en aucune manière, autour des doctrine marxistes que c'est fait le Rassemblement. C'est sur le seul terrain de la défense républicaine et de la reconstruction démocratique. Sans cela, les radicaux y collaboreraient-ils ?... Que diriez-vous donc, si raisonnant comme vous, je prétendais que la coalition à laquelle vous appartenez, des partis dits “nationaux” - comme si le mot “national” pouvait être le monopole de quelques partis - est manœuvrée par l'Action Française l’organe du nationalisme le plus païen qu’on a pu appeler le journal le plus anticlérical de France?...”

Répondons simplement:

1° Que les révolutionnaires constituent la majorité du Front populaire; qu'ils ne voient dans leur collaboration avec des “bourgeois” qu'une étape vers la dictature rouge comme en fait foi le rapport de M. Qitton au parti communiste en mars 1934, et qu'ils sont les animateurs du front populaire, comme M. Thorez, député communiste, l'a déclaré hautement en octobre dernier, dans une brochure que je possède. Voilà des preuves. 

2° Que M. Georges Hoog confond bien à tort le “front national” avec l’Union Nationale dont nous sommes partisans. Le “front national” est une formation de combat, dont, en effet, l'Action Française fait partie et c'est justement en raison des tendances extrémistes de certains de ces éléments que les partis “nationaux” Fédération Républicaine de M. Marin, Parti Démocrate de M. Champetier de Ribes, Alliance Démocratique, et même les “Croix de Feu”, ont refusé d'entrer dans ce mouvement avec lequel M. Hoog veut les confondre. Donc, l'observation de notre contradicteur n'a rien de gênant. Il faut distinguer ce qui doit être distingué. Le front national est une chose, les partis nationaux en sont une autre. Ceux-ci ne cherchent qu'à mettre fin aux luttes inutiles et à réaliser l'union des bons Français. 

“Enfin, ajoute M. Hoog, vous reprochez aux députés jeunes-républicains d'avoir mêlé leurs voix à celle de MM. Cachin et Blum. Curieux grief. Il me semble bien me rappeler, en effet, qu’il n'y a pas si longtemps encore, vos amis de la Chambre mêlaient d'enthousiasme, eux aussi, leurs bulletins à ceux de l'extrême-gauche, pour, chaque fois que l'occasion était favorable, renverser le gouvernement. Il est vrai que c'était des gouvernements républicains. Mais contre eux, peut-être, tout est-il permis. Selon que vous serez de gauche ou bien de droite aurait dit à peu près le Fabuliste…

Dans l’espoir, M. le Directeur, que vous voudrez bien publier cette lettre comme la précédente, je vous prie d’agréer l’assurance de mes sentiments distingués.

Signé: Georges HOOG.”

En reprochant aux jeunes-républicains d'avoir voté contre MM. Cachin et Blum, nous les avons accusés de s’être UNIS au cartel dans des circonstances graves, comme par exemple, dans le dernier débat sur les Affaires Étrangères. Tandis que nos amis quand il leur est arrivé de voter contre leurs adversaires le faisaient pour des raisons tout à fait opposées, ou pour obtenir des résultats qui n'engageaient personne comme le vote des femmes ou la R.P. dont tout le monde désire, à droite et au centre, comme à l'extrême-gauche, l'adoption rapide. 

Le front populaire, au contraire, groupe les révolutionnaires, la Jeune-République et quelques radicaux socialisants pour une action purement politique, et nous ne cesserons de dénoncer la malfaisance de cette coalition. 

François DESGREES DU LOU.

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