D'abord, la France [François Desgrées du Loû - 13/10/1935 - Le Ploërmelais]

Publié le par François Desgrées du Loû (1909-1985)

[publié le 12/01/2022]

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|Le Ploërmelais - 13/10/1935 - p.1 - transcription]

D’abord, la France

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Dans le tumulte des passions politiques que déchaîne la guerre d'Éthiopie la voix de la sagesse a quelque peine à se faire entendre. Il est plus facile de crier que de réfléchir. 

Pour nous, Français, la seule attitude digne de notre loyauté et de notre patriotisme, de nos traditions et de notre prestige nationale, est celle que le gouvernement a choisie. Il fait bien de s'y tenir. Et pour qui se sent vraiment l’âme française, le calme et la dignité dont nos représentants donnent aujourd'hui l'exemple, est singulièrement réconfortant quand les polémistes les plus opposés font assaut de démagogie, ou marchent à la remorque, soit de l'Italie, soit de l'Angleterre. 

Les gens d’extrême-gauche, qui s'indigne maintenant devant une violation du droit et qui prônent - un peu tard - la force au service de la Justice, avaient-ils la conscience aussi délicate quand leurs amis bolcheviks instauraient en Russie par la trahison et par la terreur, l'un des régimes les plus sanglants et les plus ignobles que le monde ait connus ? Et les admirateurs de Mussolini qui proclament - avec raison - la valeur de la civilisation latine commune à la France et à l'Italie, n'ont-ils pas oublié que cette civilisation est peu de chose sans le respect de la parole donnée, principe chrétien, devoir d'honneur, et règle nécessaire de la vie internationale comme de la vie civile, dont l’Italie semble faire bon marché quand son appétit est en jeu?

La tâche difficile de notre gouvernement est justement de concilier avec des amitiés sacrées, le devoir primordial qui s'impose à nous de respecter et de sauvegarder le droit et la paix. 

Qu’elles qu'aient été les faiblesses de la Société des nations, dont nous n'avons pas eu toujours à nous louer, elle représente une force morale par ses principes, et indirectement, une force matérielle, en raison de l’appui que lui donne, avec nous, l'Angleterre. Et surtout, il y a un pacte, un pacte que la France entend respecter. Or, l'Italie, malgré les propositions qu'on lui a faites, a attaqué un État membre de la Société des Nations. Peut-être aurait-on mieux fait, jadis, de laisser l'Éthiopie à l’écart: il est trop tard pour en discuter, et l'Italie doit être la dernière à récriminer, puisque c'est elle qui a désiré le plus ardemment l'admission de cette nation africaine à l'Assemblée de Genève. Donc la faute de M. Mussolini ne fait pas de doute. Les sanctions financières paraissent inévitables.

Mais dans des circonstances comme celles-là, et quand tout le monde est d'accord pour constater, au fond des choses, un malentendu, allons-nous risquer une guerre en nous associant à des sévérités excessives ? C'est rigoureusement impossible. Et c'est pourquoi le rôle de conciliateur auquel M. Pierre Laval semble attaché, mérite l'approbation de tous ceux qui désirent le maintien de la paix européenne. 

La France mérite autre chose que de servir d'appoint à l'Angleterre contre l'Italie, à l'Italie contre l'Éthiopie, ou à la Russie contre Mussolini. Que les exaltés satisfassent, s'ils le veulent, leur sectarisme politique en choisissant, au risque des pires folies, entre l'amitié anglaise et l’amitié italienne. Mais que la masse de nos concitoyens, à l’exemple de notre gouvernement national, garde son sang froid. Ne nous chargeons ni de sauver le fascisme, ni d’assurer sa perte. Il s’agit de servir la France et de sauver la paix.

François DESGREES du LOU.

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