Invitation et livret de commémoration de l'armistice du 11 novembre [Colonel Xavier Desgrées du Loû]

Publié le

[publié le 02/03/2021]

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11 NOVEMBRE 1994                 COMMEMORATION DE L’ARMISTICE

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Le Général de Division Tanneguy LE PICHON,

Commandant la 9e Division d’Infanterie de Marine,

Commandant d’armes de la Place de Nantes,

le Colonel Dominique de la BRUNIERE,

Délégué Militaire Départemental de la Loire-Atlantique,

commandant d’armes délégué de la Place de Nantes,

les officiers et les sous-officiers de la Garnison,

prient XXXXXXX

de bien vouloir assister au vin d’honneur qu’ils offriront 

au Cercle Mixte de Garnison, 108 rue Gambetta à Nantes, 

le vendredi 11 novembre 1994 à l’issue des cérémonies commémoratives.

Au début de ce vin d’honneur sera dévoilé un tableau à la mémoire 

du Colonel DESGREES DU LOU, mort au champ d’honneur le 25 septembre 1915 

et remis gracieusement par sa famille à la Garnison de NANTES.

R.S.V.P. 51 81 20 06 ou 51 81 21 89

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ALLOCUTION PRONONCÉE PAR LE LIEUTENANT LAVAULT 

LE 11 NOVEMBRE 1994

Mon Général,

Messieurs les Officiers Généraux,

Monsieur le Préfet,

Monsieur le Député Maire,

Monseigneur,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mes chers Grands Anciens,

Mesdames et Messieurs,

Nous sommes ici réunis pour célébrer la commémoration de l'Armistice du 11 novembre 1918, qui mit fin à l'un des conflits les plus Inhumains que l'on ait connu. Au cours des quatre années qui précédèrent, des soldats surent devenir des légendes: le Colonel DESGREES DU LOU, à qui nous rendons hommage aujourd’hui, fait partie de ceux-ci.

Né le 18 mars 1860 à VANNES, le colonel DESGREES DU LOU, fils et frère d’officiers, suit des études classiques qui lui permettent d’entrer en 1879 à l’Ecole Spéciale Militaire d’où il sort avec le grade de sous-lieutenant en 1882. Il a alors 22 ans.

Fantassin, il servira pendant huit ans dans la Légion Etrangère, aux 1er et 2ème Etranger.

Ces huit années le verront parcourir l’Afrique et l’Extrême Orient, où il prendra part notamment aux combats de GIA HUO, AI LUNG, SUNG SUNG. Plusieurs fois cité, il sera décoré de la Légion d’Honneur après son brillant engagement lors des combats de LANG DONG.

De retour en métropole avec le grade de Capitaine Adjudant Major il est affecté successivement au 49ème, 6ème et enfin 93ème Régiment d'Infanterie à La ROCHE-SUR-YON où le surprend le tocsin de 1914. 

Alors Lieutenant-Colonel et Commandant en second du 93ème régiment d'Infanterie, il est muté pour prendre le commandement de son régiment dérivé, le 293ème. 

Grièvement blessé lors de la première bataille de la Marne, il retourne au front avant même d'être complètement guéri. Promu Colonel, il reçoit le commandement du 65ème Régiment d’Infanterie, le 6 février 1915.

1915… Après l'échec de la poursuite de la victoire de la Marne, le conflit s'est enlisé dans une guerre de position où le maître mot est “tenir ou périr”. 

En septembre 1915, le haut commandement français décide de lancer une vaste offensive, sur un front de 25 kilomètres, de la vallée de la SUIPPES aux lisières ouest des forêts de l'Argonne. 

Sous le commandement du Général DE CASTELNAU deux armées, la IVème aux ordres du Général de LANGLES DE CARY et la IIème aux ordres du Général PÉTAIN, devront bousculer l’ennemi entre le chemin des Dames et l’Argonne. L'effectif complet de cette offensive comprend en tout 53 divisions françaises et 13 divisions anglaises, soit environ 800 000 hommes et 5 000 pièces d'artillerie. Le déclenchement de l'offensive doit être avoir lieu le 25 septembre matin. 

Le 65ème Régiment d'Infanterie est à l'extrême gauche du dispositif divisionnaire, celui de la 21ème. À sa gauche se trouve le 19ème régiment d'infanterie, qui lui, appartient à la 22ème Division. 

Depuis son poste de commandement, le Colonel DESGREES DU LOU assiste à ce combat d'une extrême violence, avec un flegme et un calme qui lui sont propres. Mais les unités allemandes en position sur la colline du Poignard, n'ayant plus rien à craindre sur leur flanc sud, où le 19ème est exsangue, peuvent porter leur effort à l'est: vers le 65ème Régiment d'Infanterie. Un nid de mitrailleuses, alors soulagé de sa mission initiale, décime les rangs du régiment Nantais qui monte à l'assaut. Pour retracer cet épisode aussi tragique qu’héroïque, écoutons ce qu’écrivit le Capitaine DE CORTA alors officier d'ordonnance du Colonel:

“Le Colonel avait pris la décision d'emporter le Drapeau, non qu'il craignait de voir le régiment flancher, mais parce qu'il pensait que cette journée marquerait par sa percée, la fin de la guerre des tranchées et qu'il voulait que, ce jour-là, le drapeau fût au milieu du régiment. Les ordres donnés portaient que le régiment devait donner l'assaut à 9h12, le 25 septembre 1915. Accompagné du porte-drapeau, outre moi-même, le colonel fit rassembler les vagues d'assaut dans les parallèles de départ. À 9h10, le colonel prenant le drapeau des mains du Lieutenant LEBERT, franchit le parapet de la tranchée, puis il éleva le drapeau et cria “EN AVANT ET POUR LA FRANCE”. 

Les deux premières vagues partirent aussitôt. Lorsque le colonel arriva au poste d'écoute allemand qui venait d'être pris, il trouva les corps des lieutenants LEBERT et ERNALDY qui venaient d'être tués. Se dirigeant vers une petite crête, il tomba, à son tour, la main sur la poitrine.” 

L'assaut de la 21ème division se brisa contre un réseau de fil de fer barbelé très solidement aménagé, sept chefs de corps furent tués ce jour. 

L'offensive de Champagne fut la dernière de ces grandes opérations destinées à mettre fin rapidement à une guerre qui ne connaîtrait son dénouement que trois ans plus tard. Dénouement auquel le 65ème contribuera largement par le sacrifice de 92 de ses officiers, 112 de ses sous-officiers et 1900 de ses soldats.

Connaissant la situation difficile à laquelle il doit faire face et l’ayant clairement analysée, le colonel DESGREES DU LOU a choisi, sans arrière pensée, de se battre jusqu’au bout pour sa Patrie. Nous retrouvons dans cette attitude toute la personnalité d’un soldat hors du commun. Officier supérieur de grande classe, aux qualités foncières exceptionnelles, pour qui l’armée était moins une carrière qu’un sacerdoce, il portait en lui le culte du sacrifice et de l’honneur. Exigeant pour lui même comme pour les autres, le colonel DESGREES DU LOU représentait une haute et noble figure de chef dont le sens du devoir rejoignait celui du Prince de LIGNES qui écrivit “ne faire son devoir, c’est le faire passablement”.

Ce tableau, que nous allons dévoiler aujourd’hui, remis gracieusement par sa famille et peint par la main même de la sœur du Colonel DESGREES DU LOU, rappellera à ceux qui, nombreux, viendront le contempler, le souvenir de nos Grands Anciens tombés au champ d’honneur.

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HISTORIQUE

Du 65ème Régiment d’Infanterie

Le régiment Suisse de Sonneberg est créé par ordonnance du roi Louis XIV en 1672 et participe dès lors aux nombreuses campagnes de l’époque, notamment aux guerres de Hollande, de la Ligue d’Augsbourg de la succession d’Espagne, et s’illustre aux batailles de Senerf (1674) Steinkerque (1692) Ramilles (1706). Son dernier fait d’armes important sous l’ancien régime a lieu à Lawfeld (1716) pendant la guerre de succession d’Autriche.

Avec la Révolution, le Régiment Suisse de Sonneberg devient le 65 et prend part à toutes les campagnes du 1er Empire. Ses faits d’armes lui valent les deux premières inscriptions portées au drapeau - STRASUND 1807 - RATISBONNE 1809 -.

Mais il est aussi présent à Essling et à Wagram, lors de la campagne d’Allemagne (1813) et celle de France (1814).

Après la Restauration, sous le règne de Louis Philippe il est à la guerre d’Indépendance de la Belgique et u gnagne une 3ème inscription dans les plis de son drapeau - ANVERS 1832 -.

Puis il participe à la conquête de l’Algérie. Rentré en France il est engagé dans la campagne d’Italie du Second Empire. Il s’y fait remarquer aux batailles de Magenta et de Solferino. Il y gagne une nouvelle inscription au drapeau - MAGENTA 1859 -.

Et se fait remettre la médaille d’Or de Milan. L’anniversaire de Solferino, le 4 juin devient la date de la fête du Régiment.

Lors de la fin du Second Empire, il participe à la campagne contre la Prusse, on le trouve au combat de Saint-Privat (1870) avant d’être enfermé dans Metz avec une partie de notre armée.

Après avoir participé au rétablissement de l’ordre pendant les troubles de la Commune, il est affecté au XIème Corps d’Armée et rejoint Nantes en 1878. Il y tient garnison, au quartier Cambronne jusqu’à la première guerre mondiale.

Ayant quitté Nantes sous les acclamations de la population le 5 août 1914, le Six Cinq prend le contact avec l'ennemi dès le 16 de ce mois. Engagé d'abord en Belgique il défend ensuite les ponts de la Meuse dans la région de Sedan puis il est en Champagne où il se couvre de gloire dans les contre-attaques qu'il mène dans les marais de Saint-Gond. Sa bravoure et sa vaillance lui valent une 5ème inscription au drapeau - SAINT-GOND 1914 -

De nombreux faits d'armes illustrent sa participation à la Grande Guerre et le drapeau en 1918 porte deux autres inscription - ARTOIS-VERDUN 1915-1916 - L’AISNE - REIMS 1917-1918 -.

Cité sept fois dont quatre citations à l'Ordre de l'Armée et trois à l'Ordre du Corps d'Armée, le Six Cinq se voit attribuer la fourragère aux couleurs de la médaille militaire par le sac. Par le sacrifice de 92 officiers dont le Colonel Desgrées du Loû, chef de corps, 212 sous-officiers et 1900 soldats morts pour la France, le Six Cinq avait largement contribué au succès de nos armes. 

Pendant l'entre deux guerres le 65 retrouve à Nantes le quartier Cambronne. Il en repart avec le XIème Corps d'Armée dès le 1er septembre 1939. Engagé au sein de la 21ème division d'Infanterie il pénètre malgré une dure résistance d'une dizaine de kilomètres en territoire allemand. Ce fait d'armes, exceptionnel alors, mérite d'être souligné. 

Au début de 1940 il est à Anvers puis en Belgique et enfin dans le nord de la France. Au printemps de cette année, malgré son désir de vaincre, ses bataillons disparaissent les uns après les autres emporté dans la tourmente. Son drapeau, le deuxième, doit être brûlé à Boulogne en Mai 1940 pour ne pas tomber aux mains de l'ennemi. 

Cependant le fer de lance de celui-ci sera récupéré et versé au Musée des Armées.

Reconstitué en 1941, il fait partie de l'armée de l'armistice et son nouveau drapeau, le troisième, lui est remis à Bourg. À nouveau dissout lors de l'invasion de la zone sud il est à nouveau reconstitué en 1944 et participe à la fin de la campagne. Son Drapeau conservé à Bourg par Monsieur Longuet lui est remis le 2 avril 1945 par le général de Gaulle. Dès la fin de cette même année il est encore radié de l'ordre de bataille. 

Le Drapeau, d'abord reversé au service historique des Armées est à nouveau confié au C.I. 9ème RIMA puis au Musée de Saint-Cyr avant de revenir à Nantes au C.M. 65. 

En 1968, le 65ème régiment d'infanterie, unité de réserve, est créé à Nantes et appartient à la 33ème Division Militaire.

Le 16 Mars 1973, le Drapeau devient l’emblème du centre d’instruction du service de Santé qui en reçoit la garde comme Corps parrain du Six-Cinq.

En raison de sa vétusté, ce troisième Drapeau termine sa carrière au Musée des Armées depuis 1981.

Le quatrième Drapeau est remis au centre d’instruction du Service de Santé de Nantes le 28 Octobre 1981. Il est confié au 33e Groupement Divisionnaire de Nantes le 1er juillet 1985. Puis à la dissolution de cette formation, transmis au 9°RCS le 1er juillet 1986.

Il est reversé définitivement au service historique des Armées par le CM 37 le 5 mai 1992.

[article de Ouest-France sur la commémoration]

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