Aux responsables [François Desgrées du Loû - 17-18/06/1961 - Ouest-France]

Publié le par François Desgrées du Loû (1909-1985)

[publié le 08/03/2019]

[lien vers un article du Télégramme sur le sujet]

[retranscription]

 

[Ouest-France - 17-18/06/1961]

 

AUX RESPONSABLES

 

par François DESGREES DU LOU

 

Depuis de longues années, constations-nous le 9 juin, on a donné l’impression que les avertissements mesurés et les sages remontrances étaient sans effet. Ainsi s’expliquent les manifestations organisées avec une impressionnante ampleur par des représentants de la paysannerie bretonne, de Morlaix à Pontivy.

Ne revenons pas aujourd’hui sur les raisons trop connues d’une telle explosion: nous avons déjà signalé et répété en quoi ces raisons nous semblent valables. Nos lecteurs paysans ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et ont su reconnaître dans nos propos la sympathie sincère d’hommes qui connaissent leurs inquiétudes autrement que par oui-dire. Convaincus de la nécessité d’un pouvoir stable, sachant du reste que les critiques du monde paysan ne visent pas l’autorité d’arbitre du chef de l’État, nous avons, dès le début, supplié les gouvernants de comprendre l’impatience paysanne et de prendre les mesures propres à l’apaiser. Un pouvoir maître de ses décisions, exempt des risques de crise, est assez fort pour satisfaire sans abdiquer.

C’est la méthode qu’il a heureusement choisie en prenant contact avec ceux qui représentent à divers titres les populations rurales. Ayons la sagesse de reconnaître que la voie est tracée si l’on veut bien ne pas s’égarer sur de mauvais chemins.

Nous tournant vers les manifestants d’hier et de demain, ne craignons pas de dire qu’il faut savoir aussi s’arrêter à temps: si certains entraînaient d’honnêtes gens à à une folle aventure, si des troubles acculaient les responsables de l’ordre à des rigueurs et à des refus, à qui cela profiterait-il, sinon aux professionnels de l’agitation politique?

Redoutons les infiltrations et les manœuvres de ceux qui, venant d’un extrême ou de l’autre, saisiraient ainsi l’occasion de porter un coup au général de Gaulle, lorsque le drame algérien nécessite de notre part discipline et cohésion.

L’avenir de notre région pose aussi d’autres problèmes qui ont été évoqués dans ces colonnes - notamment celui des exploitations de faible étendue, problème grave dont la solution peut entraîner soit le découragement, soit le salut de dizaines de milliers de familles. Nous y reviendrons. Mais pour l’instant gouvernement et paysans sont amenés à engager le dialogue sur des revendications immédiates. De bons serviteurs de la paysannerie, chez nous et à Paris, s’emploient à le faciliter. Chacun sent, à vrai dire, que la solution pourrait être bientôt en vue, mais une faute de part ou d’autre remettrait tout en question. Nous adjurons les autorités publiques et les interprètes du monde agricole de faire preuve d’un sang-froid à la mesure de leurs responsabilités.

 

 

 

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