Récit du cycliste Maurice Aubin, rédigé à la demande du Colonel de Vial, qui prit le commandement du Régiment après la mort du Colonel Desgrées du Loû

Publié le par Maurice Aubin

[publié le 27/05/2018]

[Extrait des archives de Coëtquidan, résumé sur le Colonel Xavier Marie Desgrées du Loû - témoignages retranscrits - non daté]

Récit du cycliste Maurice Aubin, rédigé à la demande du Colonel de Vial, qui prit le commandement du Régiment après la mort du Colonel Desgrées du Loû

 

Vers 9 heures un quart du matin, alors que la première vague de notre attaque s’élançait vers les tranchées allemandes, notre colonel, simplement vêtu d'une capote d'uniforme sans signes apparents de grade d'officier et seulement la croix de guerre épinglée sur la poitrine, coiffé du casque saisit notre Drapeau (celui-ci enroulé autour de la hampe) et monta sur la peste de départ, par conséquent au niveau même du terrain parcouru par les balles et en vue de l'ennemi. Assurément ce mouvement particulièrement brave était dans son esprit destiné à encourager l’élan de nos soldats en leur montrant la voie à suivre que leur indiquait leur chef lui-même, dont la physionomie véritablement transformée par cet acte sublime et le regard tourné fixe vers le but à atteindre ne broncha pas en dépit des balles sifflant autour de lui, et il demeura là, debout; tenant ferme et haut notre drapeau pendant cinq longues minutes. Pendant ce temps, les hommes couraient à l'assaut, baïonnette en avant, bien décidés et enthousiasmés par l'attitude splendide de leur chef auprès duquel ils passaient, quelques-uns même ne pouvant contenir un cri ou un geste d'admiration à son adresse et lui, à mi-voix comme parlant à lui-même prononçait: Ah! les Braves.

Enfin lui-même, notre colonel, comme entraîné irrésistiblement, remettant au porte-drapeau notre étendard, se tourna vers nous en disant: “Maintenant, allons-y. Vive la France et en avant!”

Puis auparavant, ayant fait appeler un chef de Bataillon qui tardait à venir, je dus attendre ce dernier, mais le Colonel avait déjà franchi la zone neutre et je ne pus le suivre qu'à une dizaine de mètres, avançant par bonds, m’arrêtant comme lui sous les rafales d’obus et de balles; le chef de bataillon me suivant toujours dans la direction du Colonel.

À un moment, alors que je me trouvais prêt à descendre dans la tranchée allemande face à moi, je ne vis déjà plus le Colonel et pourtant j'avais suivi ses pas. C'est alors que, m'apercevant, le capitaine de Corta, adjoint au Colonel, le chef de bataillon cria “où est le colonel ?” Le capitaine qui à ce moment n'était pas à plus de cinq mètres de moi venait de s'arrêter au bord même de la tranchée allemande et restait debout sous le feu, lui répondit par un geste dans la direction du sol à sa droite à 2 mètres de lui et à la question du chef de Bn “Mort ?” il fit un signe de tête affirmatif.

Tout cela se passa en un clin d'œil; le capitaine de Corta venait à peine d'indiquer l'endroit, qu’il tombait à son tour frappé d'une balle. Au même moment, l'un de nous, qui était déjà dans la tranchée allemande ayant vu tout ce drame, se précipitait hors d'elle en criant: “Il faut retirer le corps du Colonel!” il escalada, et tomba frappé à mort.

… C'était devant le poste d'écoute qu’était tombé le Colonel; autour de lui gisaient plusieurs cadavres de français et d’allemands, à sa gauche était tombé son ordonnance Fortin, et à gauche de Fortin était tombé le capitaine de Corta.

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